Nous ne pensions pas avoir l’occasion de monter dans une chiva colombienne. Ces vieux bus colorés sont en voie de disparition, remplacés par les engins tout confort d’aujourd’hui. Mais, surprise, une partie de trajet en chiva nous attend entre Jardín et Salento ! En même temps, quel bus moderne prendrait le risque d’abîmer ses chromes sur le tape-cul qui nous sert de chemin ?
Trois heures quarante-cinq durant, nous rebondissons à l’unisson avec les autres passagers, au son des accordéons du vallenato. Nous grimpons une montagne en pleine jungle, touchons les nuages, redescendons de l’autre côté et ne croisons pas plus d’une dizaine de véhicules.
Sur une route aussi peu fréquentée, la chiva ne se contente pas de transporter des passagers. Le bûcheron charge sa production du jour à l’arrière, le fermier quelques sacs sur le toit et chacun précise au chauffeur qui de Juan ou de Pedro les récupérera.
Tout à coup, une vingtaine d’hommes armés de machettes nous immobilisent. Des brigands ? Un groupuscule révolutionnaire ? Pas de panique, ce sont des villageois en train d’élaguer les bords de route. Ils montent sur le toit et dirigent la chiva vers les branches hors d’atteinte. Le chauffeur se prête évidemment au jeu, cela fait partie de son métier !
Salento, petite bourgade détendue
Il paraît que la musique adoucit les mœurs, eh bien nous sommes prêts à parier que la couleur aussi. Salento est encore l’une de ces villes colombiennes bariolées dans laquelle les habitants prennent le temps de vivre, tiennent les murs, boivent un café en terrasse, passent la soirée autour d’un billard…
La région de Salento est un peu fraîche, altitude oblige, et souvent pluvieuse, Colombie oblige, mais il ne faut surtout pas que cela vous bloque. Tenez, nous avions initialement prévu de n’y rester que trois jours et nous sommes revenus y passer quatre jours supplémentaires.
Gardez un parapluie sous le coude, esquissez une petite danse chamanique anti-pluie au réveil et tout se passera bien.
Si vous le pouvez, visez un samedi soir, lorsque la place principale s’anime. Nous avons raté cela deux fois de suite et avons juste eu le temps d’apercevoir les stands de nourriture de rue s’installer l’après-midi.
Au-delà de ses ruelles colorées, nous sommes revenus à Salento pour les paysages alentour, qui remportent selon nous la palme des plus beaux de Colombie.
Commençons en douceur avec le mirador, accessible en seulement 230 marches au bout de la rue principale. D’un côté cette vue sur la ville de Salento :
Et de l’autre, cette vallée verte comme un gazon britannique :
Oh, et puis voici un petit coucher de soleil depuis le village :
Les plantations de café
Ce coin de Colombie est souvent appelé la zona cafetera, ou région du café. Visiblement, les arbustes adorent se prendre une petite averse entre deux rayons de soleil et s’épanouissent pleinement sous ce climat.
Sur les conseils du gérant de notre chouette hôteli, nous visitons la Finca de Don Elias située à cinq kilomètres, l’occasion d’une belle promenade à pied. Comptez 1h15 en marchant tranquillement, en observant quelques oiseaux multicolores et en saluant les enfants qui sortent de l’école.
Sur le chemin, d’autres plantations ouvrent leurs portes au public mais nous persévérons jusqu’à la bonne. Non seulement la visite est moins chère chez Don Elias qu’ailleurs (10 000 pesos), mais cette famille produit en bio. Ce sont les petits-enfants qui organisent le tour guidé et nous en apprenons beaucoup.
Savez-vous, par exemple, que plus un café est torréfié, c’est-à-dire brûlé, plus il est fort en bouche, mais moins il contient de caféine ? Pour bien vous réveiller, privilégiez un café doux !
Par curiosité, nous demandons combien ils boivent de tasses de café par jour dans la famille : « Oh, une vingtaine… ».
Randonnées dans la vallée de Cocora
Attaquons maintenant le vif du sujet, la raison principale de notre venue à Salento, le clou du spectacle, à savoir les fameux palmiers de la vallée de Cocora !
Cette espèce de palmier a deux particularités. Déjà, à la différence des autres qui se complaisent sous un soleil de plomb, ils poussent ici dans la brume et le froid. Ensuite, ce sont les plus hauts du monde, atteignant parfois soixante mètres, soit le premier étage de la Tour Eiffel. Ils espèrent peut-être ainsi passer au-dessus des nuages… mais ce n’est pas gagné !
Pour se rendre dans la vallée de Cocora, il suffit de repérer les jeeps colorées sur la place principale de Salento et de monter dans la première qui part. Ces jeeps appelées Willys ont l’air d’avoir connu la guerre, et c’est le cas. Il s’agit de très anciennes guimbardes refourguées par l’armée américaine. Les six premiers passagers s’installent sur les sièges, les trois suivants restent debout sur le marchepied arrière. Compter 4 000 pesos par personne l’aller simple.
Vingt minutes plus tard, nous sommes lâchés dans la brume, entourés des premiers palmiers. À partir d’ici, deux possibilités de promenades : la simple et la difficile. Comme nous avons adoré la vallée, nous avons testé les deux.
La randonnée la plus facile consiste à monter aux miradors de la forêt de palmiers. Compter deux heures l’aller-retour et un petit dé à coudre de transpiration dans la montée. C’est très simple, il suffit de suivre la route principale sur environ 800m, puis d’emprunter le sentier sur la droite qui indique El Bosque de las Palmas en payant 3 000 pesos à un petit guichet.
À mesure que nous montons, de nouveaux palmiers surgissent et la vallée entière se dévoile, balayée par les nuages bas et illuminée par des éclaircies fugaces. C’est à la fois beau et mystérieux…
Pour la randonnée version difficile, prévoyez de transpirer une bonne carafe et de finir les chaussures recouvertes de boue. Mais honnêtement, l’expérience globale le vaut bien ! Cela démarre donc par un chemin bien bouillasseux. Splosh. Splosh. Et encore, nous avons de la chance, il n’a pas plu la veille grâce à notre danse anti-pluie.
Pendant un bon moment, nous longeons des prés bien verts. Ces paysages de campagne qui se réveille sont particulièrement paisibles.
Deuxième phase : nous entrons dans une jungle humide. Il paraît que des pumas et des ours à lunettes y vivent, mais pour notre part nous croisons trois vaches. Si si ! Des vaches de la jungle, qui nous escortent pendant dix bonnes minutes.
Le sentier longe ensuite une rivière agitée, la traverse et la retraverse à six reprises sur des ponts suspendus. Cette partie de la randonnée est géniale !
À force de monter, nous parvenons à la Maison des Colibris (La Casa de los Colibríes), le point le plus haut de la promenade. Toujours en pleine jungle, ce lieu simple sert un chocolat chaud au prix de 5 000 pesos, qui inclut l’entrée et l’entretien des ponts suspendus. Nous qui rêvions d’observer des colibris de près, nous piaillons de joie. Ils sont là, à cinquante centimètres de nous en totale liberté, venant étancher leur soif dans leurs minis abreuvoirs avant de repartir en vrrrrrrrrrrrrrrrtant près de nos oreilles.
De près, ils ont un petit air énervé, vous ne trouvez pas ?
Parmi les différentes espèces qui virevoltent autour de nous, notre préférée est la turquoise à longues plumes. Mais c’est aussi la plus rare et celle dont le portrait nous a donné le plus de fil à retordre !
La randonnée forme une boucle dans la vallée de Cocora. Nous ne redescendons pas par la jungle, mais via la forêt de palmiers, c’est-à-dire en passant par les mêmes superbes miradors que ceux de notre première balade (pour lesquels il faut prévoir 3 000 pesos de droit de passage).
Cette randonnée nous aura demandé six heures en tout. Elle est physique, mais rien d’insurmontable non plus. Si vous choisissez le même hôtel que nous (voir en bas de l’article), un petit classeur vous attend dans la chambre avec l’itinéraire détaillé, en français s’il vous plaît. Sinon, voici le tracé sur Wikiloc. Dernier conseil : arrivez le plus tôt possible, car la pluie préfère s’installer l’après-midi. Nous sommes grimpés dans la première jeep de la journée, à 6h20.
Un petit Tejo pour se détendre… ou se stresser !
Après une longue randonnée, une bonne douche et un nettoyage des chaussures, rien de tel qu’une partie de Tejo, un jeu d’adresse typiquement colombien, et même pré-colombien. Il s’agit de lancer des palets en métal sur une cible constituée de pétards prêts à exploser.
C’est loin d’être simple, mais franchement amusant et la consommation de bière est encouragée, voire indissociable de ce sport selon les locaux !
Nous débarquons chez Betatown que nous recommandons. Ils disposent de deux pistes ouvertes sur l’extérieur et prennent bien le temps d’expliquer les règles. En revanche, la pauvre serveuse ne semble toujours pas habituée aux explosions !
Escapade à Filandia : pourquoi pas…
Avant que vous ne retrouviez le cours de vos occupations, abordons rapidement Filandia, un autre village coloré à une petite heure de Salento. Nous lui avons donné sa chance, mais il ne nous a pas vraiment séduits. Désolés Filandia, après tous ces villages colorés successifs, nous sommes devenus exigeants !
Notre avis sur Salento et la vallée de Cocora
Quelle superbe région ! Elle est à la hauteur de sa réputation. Nous craignions que la ville de Salento ne soit trop touristique, mais la fréquentation reste très raisonnable. Il est facile de percevoir la douceur de vivre à la colombienne entre les nuages bas, les maisons colorées et les cow-boys qui tiennent les murs. Quant à la randonnée au milieu des palmiers de cire de Cocora, elle est inoubliable. Même si vous n’êtes pas de grands sportifs, ne vous inquiétez pas, il est possible d’admirer les plus belles parties de la vallée sans marcher trop longtemps. Bref, Salento est sans aucun doute une étape incontournable lors d’un voyage en Colombie.
Au fait, vous voulez entendre un air de ce fameux vallenato colombien ?
Conseils pratiques pour visiter Salento
Où dormir à Salento
Nous avons eu un coup de cœur pour la Posada Casa Salentoi qui représente de loin notre meilleur rapport qualité/prix en Colombie (~24€, petit déjeuner compris). Les chambres sont belles et confortables et les gérants sont aux petits soins, tout en fournissant d’excellents conseils sur ce qu’il y a à voir et à faire à Salento. Ils prêtent également des bottes, que nous aurions dû accepter pour la randonnée jusqu’à la Maison des Colibris !
Restaurants à Salento
En restant sept jours sans cuisine, vous pensez bien que nous avons eu le temps de tester la plupart des tables de la ville ! Voici notre top 2 :
- Cumaná : Un tout petit lieu, tenu par deux jeunes Vénézuéliennes au top. Le service est sympathique, les plats sont soignés et la nourriture excellente.
- Etnia Arte y Sabor : Encore un tout petit restaurant qui fait les choses très bien et à bas prix, avec un menu complet servi midi et soir.
Enfin, pour prendre un verre, nous conseillons le bar El Tejadito, avec souvent de la bonne musique live.
Venir à Salento en bus depuis Jardín
Attention, c’est long ! D’abord, il faut monter dans la fameuse chiva jusqu’à Riosucio (deux départs par jour, 8h ou 14h, prix 20 000 pesos, durée 3h45). Ensuite, prendre le bus Riosucio-Pereira (départs fréquents, prix 19 500 pesos, durée 3h30). Enfin, un dernier bus vous mènera de Pereira à Salento (seulement 6 départs par jour en semaine, davantage le weekend, prix 7 500 pesos, durée 50 minutes).
Venir à Salento en bus depuis Bogota ou Medellín
Il n’y a pas de bus directs, mais vous pouvez changer à Armenia ou Pereira. Pour notre part, nous avons testé à deux reprises le bus de nuit Pereira – Bogota avec la compagnie Bolivariano, 73 000 pesos, très confortable et réservé en ligne sur le comparateur Busbud.comi.
Se déplacer entre Salento et Filandia
Vous avez le choix entre les bus (plus fréquents) ou les jeeps publiques (plus rapides). À l’aller, nous avons pris le bus, en deux étapes. Premièrement, il faut monter dans le bus pour Armenia. Une fois sur l’autoroute (vers le restaurant Las Flores), demander à descendre, traverser avec prudence et faire signe dès que vous voyez un bus qui indique Filandia. Oui oui, il est tout à fait normal d’arrêter un bus sur l’autoroute en Colombie ! Prix total 6 200 pesos, durée 1h15.
Au retour, nous avons tenté la jeep. Elle part de la place principale de Filandia toutes les deux heures (10h, 12h, 14h…). Prix 5 000 pesos, durée 50 minutes. Nous imaginons donc que les départs depuis la place principale de Salento vers Filandia sont à 11h, 13h, etc.
Super, ça donne vraiment envie, ces paysages et ces randos à faire, ces couleurs… bref, ça va être un truc à faire un de ces 4… Biz
Ah, ça y est, encore une personne qu’on convainc d’aller en Colombie 😀
Elle fait rêver cette vallée! Et puis les rando de 1h30, ou même de 6H ça me va parfaitement surtout que j’adore les ponts suspendus (un peu moins les vaches qui me font toujours peur).
Chaque article fait grimper un peu plus haut la Colombie dans ma liste de pays à visiter…encore un petit effort et elle devient numéro 1!
Arg, on va essayer de continuer, mais on arrive bientôt à la fin de nos récits colombiens ! C’est quoi ton numéro 1 actuel ?
Génial ! On est à Bogota et on voulait des trips nature … On va suivre vos pas avec nos trois loulous !!! Pour le retour, on voulait faire une petite rando pour couper le chemin Entre Salento et Bogota. Est ce que vous auriez un village à nous conseiller ?
Bravo pour votre blog. Le ton des articles, les photos ! Génial !
Je ne sais pas quels sont vos prochaines destinations, si jamais vous voulez des conseils sur Perou, Bolivie, Equateur, chili, argentine, on vous rencarde !
Bon voyage ! Vous avez du bol de ne pas avoir de date de retour ! On vous envie ! Nous on n’a plus que trois semaines arghhhhhh
Désolés, on a fait le trajet d’une traite en bus de nuit, on n’a rien à vous conseiller sur la route. On a hésité à aller voir le désert de la Tatacoa mais c’est bien plus au sud, ça ne va pas vraiment couper le chemin ! On a visité l’Équateur après la Colombie, superbe pays, et un paradis pour les randonneurs ! Tout le sud du continent, on ne connaît pas encore mais on se le garde pour plus tard. Là on est de passage en France pour l’été, avant de repartir à l’opposé (Géorgie, Arménie) dans quelques semaines. Super votre long voyage ! Et ils gèrent vos enfants à vous suivre en rando. Bon courage pour le retour !
superbement magnifique!ma niéce et son copain y sont actuellement, ils me font le meme retour, ils sont enchantés!
effectivement ca donne vraiment envie d’aller en Colombie!
bonne continuation de voyage
C’est vraiment une région hors du commun ! Votre nièce et son copain doivent se régaler ! Merci pour votre message 🙂
Bonsoir à vous,
Vous savez très bien parler de cette vallée de Cocora. Je fouille, je fouille et y vois un peu plus clair dans mon prochain voyage. Je n’ai plus une très bonne santé et ne peux pas faire de longues marches, pensez-vous que je devrais y aller ou le zapper ?
Je prévois de ne pas passer par un agence mais pour Guajura, le parc de Tayrona cela est préférable, non ?
Je prévois les iles Rosario moins chères que Mucura, connaissez-vous ?
Merci pour vos conseils précieux.
Bien à vous
Andrée
Bonjour Andrée !
Désolés, nous ne connaissons pas du tout les régions de Guajira et Tayrona. Pas davantage les îles Rosario et Múcura…
Pour la vallée de Cocora, pas besoin de monter jusqu’aux panoramas pour en profiter. Tu peux déjà avancer dans la « forêt » de palmiers en marchant moins d’une demi-heure, puis faire demi-tour lorsque tu fatigues. Et comme Salento est l’une de nos étapes préférées en Colombie, oui nous te recommandons plutôt d’y passer.
Une semaine n est pas de trop a Salento? Merci du conseil!
Si si, c’est beaucoup ! Nous voyageons très lentement car nous travaillons en même temps mais tu peux prévoir deux jours à Salento, trois si tu veux prendre le temps de flâner dans la région.