Le Ladakh se partage en plusieurs régions dont certaines méritent certainement une visite mais sont très reculées, telle la vallée du Zanskar. Pour nous épargner un marathon routier, nous avons choisi de circonscrire notre voyage au Ladakh dans la zone la plus simple d’accès : la vallée de l’Indus. Dans cet article, nous vous emmenons plus précisément dans la partie nord-ouest de la vallée, avec une belle brochette de villages et de monastères : Lamayuru, Likir, Alchi et Basgo.

Une journée peut suffire pour les visiter, mais nous avons intégré une grosse randonnée au milieu :
- Jour 1 : Taxi depuis Leh, visite du monastère de Likir, puis 1ère étape du Baby trek.
- Jour 2 : 2ème étape du Baby trek.
- Jour 3 : 3ème étape du Baby trek, puis taxi et nuit à Lamayuru.
- Jour 4 : taxi retour vers Leh, avec pauses à Alchi et Basgo.
C’était parfait ! Mais si vous ne randonnez pas, couper l’excursion en deux avec une nuit à Lamayuru est une bonne idée pour ne pas trop courir. L’inconvénient, c’est que votre taxi aura deux allers-retours à faire (ou passera une nuit sur place), et demandera donc quelques billets supplémentaires.

Mais trêve de généralités, place aux monastères !
Chaï et mantras en boucle au monastère de Likir
Notre tout premier monastère au Ladakh est la gompa de Likir, où nous passons une tête curieuse avant de partir trottiner de col en col sur le Baby trek. Et ce ne sera pas le dernier, la région en est hérissée, avec une nette préférence pour les emplacements qui en mettent plein les yeux.
Tadaaaaam :

Ce monastère de Likir est dirigé par l’un des frères du 14e Dalaï Lama, qui, hasard céleste, est la 16e réincarnation d’un autre grand lama, le Ngari Rinpoché.

À l’entrée, le moine qui vend les billets (50 roupies) épluche des petits pois en regardant YouTube sur son smartphone. Et ensuite ? Que sommes-nous censés visiter ? Où sont les moines ? Allons-nous déranger ?

Quelques panneaux sont heureusement présents pour nous empêcher de faire des bêtises. Nous retirons bien nos chaussures devant chaque salle, et tournons consciencieusement dans le sens des aiguilles d’une montre dans le Dukhang, la pièce principale.
Tout est inédit pour nous, et le choc est intense. Chose rare au Ladakh, les photos sont autorisées partout dans le monastère de Likir. Nous pouvons vous faire profiter de l’explosion de couleurs, …

… des parures spectaculaires de Bouddha, …

… des offrandes d’argent, friandises ou sodas…

… et des peintures incroyables qui recouvrent les murs. Dont la fameuse « roue de la vérité » (dharmachakra), sorte de gouvernail sur le chemin karmique, que nous recroiserons souvent.


Nous trouvons une autre salle, mais elle est remplie de lamas. Oups, sorry messieurs !

Au lieu de nous repousser, ils nous présentent deux coussins libres. C’est l’heure de la prière, ou plus précisément l’heure de la pause goûter entre deux prières. Deux gamins moines galopent entre les tables de bois peint pour servir à chacun, nous compris, une tasse de chaï et un grand beignet plat.

La présence d’enfants nous interroge. Sont-ils forcés par leurs parents ? Abandonnés à une vie austère ? En fait, il s’agirait pour les familles modestes d’offrir à leur progéniture une éducation de qualité et un meilleur statut. Puis, en grandissant, les moineaux sont encouragés à voler de leurs propres ailes s’ils préfèrent avoir une vie normale et un peu plus de cheveux.

Après le thé, chacun reçoit cent roupies d’argent de poche, puis se remet à dodeliner dans un grand tibétintatamarre de mantras assez fascinant.
Plus loin, le plus grand Bouddha du Ladakh, 23 mètres des orteils au chignon, nous fait coucou.

Assis ainsi, prêt à bondir, il représente le « Bouddha du futur » qui reviendra lorsque l’enseignement du Bouddha historique aura été oublié. Avec un demi-million de croyants dans le monde, ce n’est pas pour demain.

Alchi, le doyen des monastères du Ladakh
Légère déception en approchant du monastère d’Alchi. Il n’est pas du tout impressionnant de l’extérieur, sans grands efforts architecturaux, voire décrépi, ne semble pas vraiment héberger de lamas et ne fait même pas semblant de se percher sur une colline. Mais alors, qu’est-ce que les gens lui trouvent ?

Ce sont les intérieurs des quatre temples successifs qui font tout le spectacle. Les photos sont interdites, mais croyez-nous, la visite (100 roupies) vaut le déplacement, avec des peintures murales parmi les plus anciennes et les mieux préservées de l’Himalaya, ainsi que des statues trop grandes qui dépassent des plafonds. C’est le principe de la poussée d’Alchi-mède, tout corps plongé dans un temple continue de pousser.

En liste d’attente chez l’Unesco, Alchi serait aussi l’un des derniers rescapés d’une légendaire série de cent huit monastères bâtis par Padmasambhava, l’homme qui a répandu et ancré le bouddhisme dans l’Himalaya. Il a vécu cinq siècles et possédait le don de lévitation, ça aide.
Si vous ne savez pas léviter, pensez à éviter les bouses de vaches, nombreuses sur le chemin des rouleaux à prières. Il ne mène pas à l’éveil, mais à un point de vue sur l’Indus, et c’est déjà pas mal.

Pour éveiller vos papilles, nous recommandons le restaurant Alchi Kitchen, juste à la sortie du monastère. Une équipe de femmes concocte de bons plats ladakhis, avec en prime un jus abricot/menthe qui vous détachera du monde terrestre.

Le monastère de Basgo, sur les ruines d’un riche passé
Près de Likir et d’Alchi, Basgo est un monastère moins connu, mais qui nous a fort impressionnés. Déjà, parce qu’il est perché sur des rochers bien biscornus, entourés d’un paysage tout aussi incongru.

Mais aussi parce qu’il est posé au milieu et sur les vieux murs en terre d’un ancien palais fortifié, où les rois venaient passer une partie de l’année.

Terre friable sur roche friable, un combo gagnant pour que tout finisse au fond de la vallée. Les experts ont récemment tiré la sonnette d’alarme et quelques premières consolidations ont été réalisées. Ça n’en demeure pas moins impressionnant.

Manque de pot, l’unique moine qui garde les lieux semble parti faire une course. Nous poussons la porte d’un mini temple resté ouvert et tombons sur Bouddha qui nous fait… euh… un doigt d’honneur ???

Passons. Les murs sont couverts de peintures intenses et probablement âgées, qui représentent quelques divinités du bouddhisme tibétain. Elles sont parfois souriantes…

… parfois totalement flippantes !

Qu’est-il arrivé à la plus zen des religions ?
Le chauffeur de taxi apporte de premières explications. Les visages furieux, les armes ou les têtes de morts portés en bijoux sont destinés à repousser l’ignorance, les forces négatives et globalement tous les obstacles extérieurs ou intérieurs sur notre chemin de l’éveil. Hmmm… monstres… cauchemar… éveil en sursaut… la théorie se tient.
Un temple de la partie haute du monastère est censé renfermer une statue de Bouddha monumentale, nous n’avons pas pu vérifier.
Le monastère de Lamayuru et ses paysages lunaires
Pour terminer cette collection de monastères, voici un dernier vénérable gompa, notre plus éloigné de Leh : le monastère de Lamayuru. Au moins l’un des temples qui le composent va bientôt fêter ses mille ans, rien que cela. Mais ce n’est pas tout, les trois derniers kilomètres avant le village de Lamayuru sont surnommés Moon Valley pour leurs paysages surnaturels.

Nos sacs posés à l’auberge, nous mettons le cap vers le gompa et retrouvons comme souvent la plus ancienne et piteuse partie du village collée à ses basques.




De là, nous réalisons que les moines ont un petit penchant pour l’équilibrisme.

L’abri ne fait pas le moine ?

À force de grimper dans le village et de nous faire doubler par des mamies qui ont plus de souffle que nous, nous voilà à l’entrée du monastère (50 roupies). Nous sommes autorisés à photographier les fresques extérieures, magnifiques.



Hélas, nous ne pouvons pas vous montrer les fantastiques, voire fantasmagoriques, murs intérieurs : des (faux) monstres pas rassurants, des paysages chimériques et une profusion de symboles ou d’objets inconnus. Dans certaines salles, les peintures semblent quasi-neuves et leur style pousse à l’admiration. D’ailleurs, nous apprenons que ce ne sont pas les moines qui peignent, mais des artistes au talent reconnu à travers toute la région.
Pour vous consoler, voici des moulins à prières.

Si vous souhaitez prendre du recul sur le monastère de Lamayuru, un petit sentier grimpe sur la montagne en direction du centre de méditation (ici précisément). Mais le clou du spectacle est la vue de l’autre côté, sur un croissant de la Moon Valley.


De retour à notre guesthouse, nous entendons la cloche du gros moulin à prières voisin tinter, tinter et retinter jusque tard le soir, puis reprendre à l’aube. Nous remontons au monastère dans l’espoir d’apercevoir la grande prière matinale ou la classe des petits lamas. Rien, personne. Nous les laissons bouddher, et rentrons.
Bonus : Nous apercevons sur le chemin du retour la confluence de la rivière Zanskar et du fleuve Indus, qui partiront main dans la main abreuver le Pakistan.

Conseils pratiques pour visiter Likir, Alchi et Lamayuru
Se déplacer
Likir, Basgo et Alchi sont proches les uns des autres, et suffisamment peu éloignés de Leh pour une tranquille visite à la journée. Ajouter Lamayuru allonge nettement le voyage (comptez environ 8h en tout). Voici les tarifs officiels des taxis de 2023, qui n’avaient pas évolué lors de notre visite :
- Au départ de Leh avec arrêts à Alchi, Likir et Basgo : 3658 roupies
- De Leh à Lamayuru, avec pauses à Alchi et Likir : aller simple 5751 roupies, aller-retour dans la même journée 6560 roupies.
- Leh, Alchi, Basgo, Likir, Rizong, Uletokpo, Lamayuru en deux jours : 8825 roupies
Les tarifs semblent légèrement négociables, cela dépend sur qui vous tombez. Si vous êtes seul(e), il pourrait être avantageux de réserver ce tour Alchi-Likir-Lamayuru sur le site GetYourGuidei.
Il existe des bus publics, mais seulement un par jour jusqu’à Lamayuru (horaire disponible au terminal). Et ne comptez pas trop dessus pour qu’il vous arrête aux monastères que nous citons en chemin, ils sont à quelques kilomètres d’écart de la route principale.

Permis de circulation
Le permis n’est a priori pas nécessaire pour visiter ces villages, mais il semble préférable de l’avoir pour passer facilement le contrôle routier à la sortie de Leh. Demandez conseil à votre hôtelier dès votre arrivée au Ladakh, il devrait pouvoir vous l’obtenir en 24h à 48h en échange d’environ 700 roupies par personne.
Dormir à Lamayuru
Nous avons regretté notre choix, le Dragon Hotel : ménage à revoir et intoxication alimentaire après le dîner. L’adresse voisine semble meilleure, le Singay Home Stay.
Nous avons visité Lamayuru et les autres monastères fin août 2024.