Bangalore, mégalopole de treize millions d’âmes, « Silicon Valley » indienne, capitale de l’innovation dans un pays qui dépassera bientôt la Chine en nombre d’habitants… Cette super-ville suscitait en nous une vive curiosité. Nous l’imaginions moderne, reposante, une pause citadine confortable pour travailler efficacement à la moitié de nos deux mois de voyage en Inde. Nous avons décidé d’y rester huit jours.
Bonne idée ? Hmmm… bof. Nous débarquons dans une ville chaotique et bruyante, un embouteillage géant.
Bangalore est si tentaculaire qu’il nous faut 1h30 en bus, depuis la gare centrale, pour rejoindre notre appartement pourtant désigné comme central lui aussi. Imaginez maintenant qu’un habitant à l’extrême nord de Bangalore veuille visiter un ami à l’extrême sud… il lui faut poser un mois de congés !
Le coup de la colocataire surprise
Comme souvent lorsque nous restons plus d’une semaine dans la même ville, nous réservons sur Airbnb un appartement entier afin de cuisiner, siffloter, dire tout ce qui nous passe par la tête et nous promener en pyjamas à fleurs. « Entier » signifiant clairement qu’il est pour nous tous seuls. Or Shivangi, la propriétaire, nous accueille avec un grand sourire et…
… ne part jamais. Nous voici donc avec une coloc’ inattendue !
Impossible de lui en vouloir, elle est charmante. C’est l’occasion de faire connaissance avec une Bangaloraise. Elle est étudiante, la vingtaine, moderne, pas mariée, habillée à l’occidentale, abonnée à Netflix, discutant dans un anglais parfait avec ses amies… Nous sommes stupéfaits de voir à quel point l’Indienne des classes supérieures ne ressemble en rien à celle des « villages », comme on les appelle un peu péjorativement ici. L’une d’elles, du même âge que Shivangi, vient d’ailleurs trois fois par semaine faire le ménage et lui préparer des repas d’avance.
Bangalore sous toutes ses formes
Bangalore est surprenante de diversité. Notre quartier s’avère résidentiel et un peu chic, avec de grandes maisons sous les arbres, des trottoirs (presque) utilisables, des supermarchés climatisés où les marques françaises tels Elle & Vire ou Casino attirent les expatriés en mal du pays. Dans les quartiers voisins, en revanche, nous retrouvons l’Inde faite de bric, de broc, de couleurs et de klaxons, l’Inde que nous aimons explorer.
Parfois, entre deux quartiers à taille humaine, un gratte-ciel surgit, tout seul. Bangalore, n’a pas de Manhattan, pas de rassemblement de tours. Elles sont éparpillées çà et là, tels des relais radio qui quadrilleraient le territoire. Ou plutôt des relais d’hélicoptères, puisque chaque tour accueille un héliport sur son toit. Le meilleur moyen, paraît-il, d’évacuer une personne gravement blessée dans cette ville gravement bouchée.
Et puis il y a les quartiers de l’ultra centre de Bangalore, eux aussi très différents les uns des autres. Nous allons vous en présenter quelques-uns.
Vidhana Soudha, l’Assemblée Nationale Étatale
Commençons par ce bâtiment qui ne fait pas les choses à moitié : le Vidhana Soudha. C’est ici que les députés de l’État du Karnataka se retrouvent pour voter les lois, sous l’œil bienveillant d’une statue de huit mètres de la « Grande Âme », alias Gandhi.
Tout le quartier alentour est aussi pompeux, avec des bâtiments du même acabit. Nous ne nous y attardons pas car rien ne se visite.
Le frénétique quartier Chickpet
Chickpet est l’un des plus vieux quartiers de Bangalore et l’un des plus foisonnants. Autant le quartier gouvernemental était dépeuplé, autant celui-ci est vivant. Très vivant.
Chickpet rassemble un nombre incroyable de petites boutiques spécialisées. Au fil de nos errements, nous passons d’abord devant une palanquée de serruriers, puis vient le tour des quincailliers, luminairistes, objets-dorétistes, vêtements-de-sportistes… le tout saupoudré de marchands de rue proposant nourriture, bijoux, lunettes de vue ou de toilettes.
Nous qui pensions aimer l’agitation indienne, nous sommes dépassés ! Ça crie, ça pue, ça bouscule, ça pétarade, ça frôle en scooter, ça livre en char à bœuf… Dur dur d’être un piéton !
Il faut savoir que les Indiens ont un rapport très va-t-en-guerre avec la circulation. Nous assistons à des compétitions acharnées entre véhicules. Le moindre centimètre doit être conquis le klaxon au poing. Les victimes collatérales sont les malheureux marcheurs, bousculés et intimidés, y compris sur les purement figuratifs passages piétons.
Le City Market, tout aussi bazardique
Nos pas nous mènent jusqu’au proche City Market, aussi appelé KR Market, un vaste marché couvert. L’extérieur est plutôt tranquille pour un marché indien.
En revanche, une immonde colline de déchets en décomposition, les « invendus », répandent un parfum qui décape les narines, se faufile dans la trachée, emplit les poumons puis soulève leur voisin le cœur.
Nous pensons trouver refuge dans le bâtiment du marché… hélas nous gênons et sommes bousculés où que nous nous tenions. De vraies boules de flipper. Gling gling gling gling ! Nous nous faufilons à l’étage. Bien nous en prend, nous sommes enfin au calme et obtenons la meilleure vue pour observer les vendeurs de fleurs sans nous faire enguirlander.
Le meilleur restaurant de dosas de Bangalore
Nous faisons halte au restaurant de dosas le plus réputé de Bangalore : Vidyarthi Bhavan. Tellement réputé qu’une foule compacte attend devant la porte. Rappelez-vous, la file indienne n’est pas du tout indienne. Après une trentaine de minutes, nous prenons place dans une grande cantine où les serveurs vont pieds nus et les panneaux aux murs précisent « Ne pas laver ses mains dans les verres ». Mais les dosas sont effectivement délicieuses !
En sortant, nous nous attardons un peu dans le quartier Gandhi Bazaar, animé, commerçant, mais beaucoup moins oppressant que le City Market.
Lal Bagh, le jardin botanique de Bangalore
Pour nous remettre de nos émotions matinales, nous passons la fin d’après-midi loin des klaxons dans le Lal Bagh, vaste parc apprécié des Bangalorais. Nous flânons dans les allées ombragées tandis que les écureuils gambadent au milieu des familles qui déploient leur tiffin-box, le récipient indien à plusieurs étages sans lequel un pique-nique ne pourrait être réussi.
Une mini colline offre même un semblant de vue sur la ville, que nous n’avions jusqu’à présent aperçue qu’au niveau du plancher des vaches à bosse.
Le Palais de Bangalore
La ville de Bangalore abrite relativement peu de monuments. Nous rendons tout de même visite au Palais de Bangalore qui nous téléporte directement chez les Tudors d’Angleterre.
En tant qu’invités de marque, nous voilà accueillis en fanfare.
Bon… pas vraiment. Une riche famille organise un mariage dans la salle principale du château, privatisée et décorée de millions de fleurs du sol au plafond. Rien n’est trop dispendieux lorsqu’il s’agit de célébrer une union en Inde.
Le palais reste ouvert au public, cependant nous reculons devant le prix d’entrée (480 roupies pour les étrangers + 710 roupies l’appareil photo). Nous n’osons pas imaginer combien les mariés déboursent pour la location de la salle !
Le métro de Bangalore
Si si, ce métro est l’une de nos visites phares à Bangalore !
Nous l’empruntons dans l’idée de découvrir un temple que ne trouverons finalement jamais à l’adresse indiquée. Un trajet pas totalement inutile, puisqu’il nous aura donné l’occasion de tester la bête. Une révolution, vous imaginez bien, dans une ville aussi chaotique.
Le métro est propre, grand, beau, climatisé et glisse à travers Bangalore cinquante mètres au-dessus du sol. Il possède deux lignes et deux autres sont en projet. Vite, vite ! Que cela améliore le trafic, le niveau de pollution et le quotidien des habitants !
Notre avis sur Bangalore
Nous n’avons trouvé à Bangalore ni le charme de Mumbai, ni l’atmosphère tranquille de Chennai, ni les monuments impressionnants de Delhi. Ce n’est pas l’enfer sur Terre non plus, il y a même quelques coins agréables, mais rien qui ne justifie à notre avis de s’y attarder en tant que touriste. Les nombreux expatriés de la « Silicon Valley » doivent pouvoir citer quelques aspects positifs de Bangalore, mais en une semaine, nous avons eu du mal à les percevoir !
Conseils pratiques pour visiter Bangalore
Dormir à Bangalore
Nous ne recommandons pas notre premier logement, trouvé sur la plateforme Airbnb, trop cher pour une simple chambre loin de tout. Nous avons quitté cette colocation au bout de cinq jours pour nous rapprocher du centre et arrêter de nous infliger 1h30 de bus ou 50 minutes de rickshaw pour la moindre sortie.
Nous vous conseillons plutôt notre deuxième hébergement, l’Hotel Vellara (~45€ la chambre double)i, situé à quelques encablures de la MG Road et qui permet par exemple de sortir au restaurant à pied. Les espaces communs sont vieillots, mais les chambres sont propres et confortables.
Restaurants à Bangalore
- MTR : une petite chaîne de restos de cuisine d’Inde du Sud, qui sert de bonnes dosas et d’autres plats simples.
- Si vous n’avez pas peur des tous petits bouibouis et que vous logez proche de notre hôtel, passez au JMJ Kerala Home Food. Il est tenu par une famille keralaise adorable et les prix sont plus que corrects. Ils servent le midi des menus à base de riz et curries. Le soir, ils ajoutent des apams (ces délicieuses crêpes à la noix de coco !). C’est un peu épicé en revanche.
- Enfin, la cantine de dosas mythique dont nous parlons plus haut se nomme Vidyarthi Bhavan.
Travailler dans un café
La Silicon Valley indienne nous a un peu déçus en termes de cafés où travailler. Heureusement, nous avons fini par trouver les « Third Wave Coffee Roasters ». Parmi leurs trois adresses, notre préférée est celle de Koramangala. Ambiance studieuse, belle déco et wifi rapide sont au rendez-vous, ainsi que de nombreux Indiens et Indiennes qui travaillent sur leurs ordinateurs.
Train de Mysore à Bangalore
Nous avons réalisé ce trajet en 2h30 dans un train entier de AC Chair, c’est-à-dire des rangées de deux ou trois sièges avec clim au prix de 307 roupies par personne. Même si les trains sont nombreux sur ce tronçon, réservez au plus tôt.
Se déplacer à Bangalore
En attendant que le métro ne se développe, les bus sont une option peu coûteuse, entre 10 et 40 roupies selon la distance. La plupart des lignes sont référencées sur Google Maps et sur l’appli BMTC. Ils n’ont malheureusement pas de voies réservées et subissent les bouchons de plein fouet.
Sinon, il y a bien évidemment les rickshaws. Comme ils ont tendance à gonfler leurs tarifs, nous vous conseillons d’utiliser l’appli Ola (le Uber indien). La demande est forte, vous serez en concurrence avec des centaines d’autres clients, mais insister finit par payer. Les prix sont alors si bas que nous laissons de bons pourboires aux chauffeurs.
Hello !
Aïe Bangalore ne donne vraiment pas envie d’être visitée… 😛
Je ne suis encore jamais allée en Inde mais je m’y suis faite une idée pas forcément très positive, j’imagine le pays entier comme cette ville que vous décrivez dans cet article. Je me trompe sûrement, et qu’il y a pleins d’autres endroits bien plus agréables mais j’ai de la peine à imaginer après tout ce que j’ai lu et entendu à propos de l’Inde.
Toute l’Inde n’est heureusement pas ainsi ! Jette un œil à notre article sur les Backwaters du Kerala par exemple, ça pourrait te faire changer d’avis 🙂
J’ai une amie Américaine qui passe plusieurs séjours par an à Bangalore. J’avoue ne pas connaitre et c’est sympa de lire cet article, merci.
Avec plaisir !
Bon, c’est clair, que ça ne m’emballe pas, mais la région plus au sud ouest, m’a bien plu !! Bon, j’ai rattrapé mon retard !! Profitez bien du Maroc. Ici, c’est giboulées de mars, soleil, pluie, vent.. ça m’a fait du bien ce petit voyage en Inde. Hâte de lire la suite !! Biz
Ça doit permettre de belles photos ces giboulées 🙂 À bientôt pour la suite !
Il me semble que vous êtes déçus par votre séjour en Inde. Pourquoi?
Salut Antoine,
Oh non, pas du tout ! Qu’est-ce qui te fait dire ça ? Ce voyage de deux mois était totalement à la hauteur de nos (grandes) attentes. C’est sûr que Bangalore n’est pas le plus agréable des endroits sur Terre, mais bon quand on voyage en Inde on ne vient pas que pour trouver du beau et du parfait, c’est surtout une histoire d’ambiance et de rencontres. À ce niveau-là, l’Inde ne nous a jamais déçus !
L’Inde est vraiment un pays que j’ai toujours trouvé particulièrement magnifique. Entre les couleurs, la culture, les temples, on dirait vraiment un autre monde. Cela n’a strictement rien à voir avec la France.
Ah ça, on peut difficilement faire plus différent que l’Inde et la France. D’ailleurs, on est repassés en France juste après, en hiver, qu’est-ce que ça nous paraissait gris !
J’habite à bangalore. Tu décris bien le bordel constant de la ville 🙂
Le seul avantage de Bangalore, c’est le climat constant 20-30 degrés quasiment toute l’année. Même si ça a tendance à évoluer avec la pollution…
Et ça va, ça reste vivable ? On y était aussi passés huit ans plus tôt, on ne se souvenait pas que c’était un tel bazar. On espère que des solutions seront trouvées rapidement pour améliorer les transports ! Sinon, oui, le climat c’est un gros point fort, on a apprécié !
Bonjour
Connaissez-vous un guide ou agent de voyage que vous pourriez nous recommender ?
Bonjour Caroline,
Non désolés, nous réalisons tous nos voyages en indépendants et n’avons aucun contact de ce type en Inde. C’est moins complexe que ça en a l’air à distance.
Bon voyage !
Avec d’agréables textes et de magnifiques photos, il est superbe votre blog, bravo!
ça m’attriste un peu de voir ce que Bangalore est devenu d’après votre témoignage et d’autres (j’ai lu quelque part qu’on annonçait une pénurie totale d’eau pour 2025). A l’époque où j’y ai vécu (il y a longtemps, je me fais vieux : 1999-2001), la ville méritait encore son surnom de « Green City » même si elle était déjà très animée mais ça c’est le charme de l’Inde… Ce n’était pas encore le temps des expats, les gens n’avaient pas l’habitude de voir des « blancs », avec ma fille de 8 ans on passait un peu pour des extra-terrestres ! Tout le monde voulait nous parler, nous toucher, savoir nos prénoms… c’est surtout ma fille de 8 ans avec sa chevelure blonde qui les impressionnait 🙂
Bonjour Thierry,
Nous sommes allés jeter un œil à ton blog et tout a effectivement tellement changé ! Les gens ne montent plus sur le toit des bus et les expats font totalement partie du décor, surtout dans les nouveaux quartiers surgis de terre. Tu étais précurseur !
PS : sacrée voiture
Effectivement, comme ça a du changer en 20 ans !
Ah ah pour la voiture, je suis vacciné maintenant, je roule à vélo 🙂
Continuez à nous faire rêver avec vos récits de voyages à travers le monde !
Nous partons pour Bangalore le 11nov2022 pour un mariage , j espère faire de belle rencontres et j espère que cela n a pas trop changé depuis notre dernier voyage en 2008 et encore merci pour les adresses.
Bon voyage à vous !
Je dois faire une escale de deux jours en Inde et j’ai le choix entre Bangalore et Chennai. On est en famille !
Que conseilles tu?
Plutôt Chennai : moins d’embouteillages, une taille plus réduite et des plages !
Bonjour,
J’ai lu votre blog un peu par hasard car j’ai une amie qui part a Bangalore quelques jours pour son travail.
L’Inde je l’ai connu il y a très longtemps, plus précisement il y a 50 ans au cours d’un voyage en famille pendant un mois, j’avais alors à peine 16 ans.
Mes souvenirs sont un peu diffus aujourd’hui.Je me souviens d’un pays avec une population souvent très pauvre, des gens qui meurent dans les rues dans une indifférence totale en particulier a Calcutta. Bombay m’a beaucoup plu avec son atmosphère de ville « tropicale » a l’époque.
Avoir vu l’Inde adolescent comme j’étais pour être quelque part marqué a vie par un flot d’images continu.
J’imagine l’Inde d’aujourd’hui toujours plus grouillante, partagé entre le modernisme de la vie actuelle et un niveau de vie du peuple toujours plus compliquée..
Le contraste doit être saisissant et fait peur probablement..
Bangalore avec son « hub » informatique doit être une ville de tout les contrastes mais c’est cela l’Inde d’aujourd’hui.
Amitié a tous les deux…
Bonjour Claude,
Ce doit être bien marquant un long voyage en Inde à un si jeune âge ! L’Inde semble se moderniser à toute vitesse (voitures à la place des tuktuks, smartphones partout…), mais hélas sans régler les énormes inégalités. On a entendu dire que le pays avait encore beaucoup changé ces dernières années. On va voir ça bientôt car on y retourne dans quelques semaines ! Merci pour ce message.