Lors de nos voyages, nous rencontrons deux types de villes. Celles qui nous marquent et restent gravées dans nos mémoires. Et celles qui… comment elles s’appelaient, déjà ? Peu importe. Cuenca joue dans la première catégorie. Belle sans trop en faire, elle possède l’élégance de la simplicité. Des rues pavées, des maisons délicatement colorées, des places ombragées et des boutiques larges comme quatre paniers de fruits. Pour compléter le tableau, son altitude de 2500m lui confère toute l’année une météo de début de printemps qui n’est pas pour nous déplaire.
Flâner dans les rues de Cuenca
Nous nous attardons à Cuenca une bonne semaine et dégotons facilement un appartement avec cuisine, ainsi que de savoureux légumes. Nous fignolons par exemple notre recette de bananes plantains sautées à la poêle et nous en préparons à tour de bras. Une belle surprise nous attend : nos narines sont titillées à chaque coin de rue par la présence de nombreuses boulangeries.
Voilà une ville qui a tout compris à la vie !
Cuenca est aussi la ville des églises. Plus d’une cinquantaine se chamaillent les fidèles. Si nous devions choisir, nous opterions sans hésiter pour la cathédrale, particulièrement réussie avec ses hauts murs roses et ses dômes bleus.
Il est possible, et même recommandé, de grimper sur le toit de la cathédrale pour une vue sur la ville, moyennant 2$.
Rapide aparté : un lecteur nous a demandé pourquoi nous n’écrivions pas les prix en monnaie locale. C’est simple, en l’an 2000 le gouvernement a choisi de remplacer la monnaie de l’époque, le Sucre, par le dollar américain afin de lutter contre les caries dentaires et, plus sérieusement, contre l’inflation galopante.
Notre place préférée jouxte l’église San Sebastián. Il suffit de s’asseoir sur un banc pour saisir la douceur de vivre à l’équatorienne.
Afin de nous dégourdir les jambes, nous repérons un musée d’art moderne dans l’un des bâtiments de cette place. Ancien asile, puis prison, puis hôpital, il jouit maintenant d’une retraite bien plus reposante. La collection est réduite mais intéressante, pour une donation suggérée d’1$ par personne.
Chaque soir à 20h précises, le calme de la place se trouve soudain balayé par la musique tonitruante d’un cours gratuit de zumba, le sport sud-américain qui s’est le mieux exporté dans le reste du monde. À notre grand étonnement, quelques vieillards en jogging occupent la rangée du fond, remuant même plutôt bien leurs postérieurs sur les rythmes latinos !
Cet assortiment de jeunes et de moins jeunes, nous le retrouvons dans toute la ville. Les mamies voûtées en poncho côtoient les étudiantes à casquettes, les fresques d’artistes de rue se mêlent à l’illustre patrimoine architectural…
Nous sommes surpris d’apprendre que la ville de Cuenca a connu par le passé une immigration française. C’est du moins l’explication officielle de la présence de quelques bâtiments de style rococo dans les rues du centre. Où ont-ils vu cela en France ? Jugez vous-mêmes :
Vous commencez à le savoir, les Équatoriens entretiennent une passion forte pour les chapeaux, de toutes les formes, de toutes les couleurs, avec ou sans plume.
Eh bien nous découvrons ici le métier de réparateur de chapeau. Nous pouvons vous fournir l’adresse, si un pot de fleurs est tombé sur votre feutre préféré ou que le vent l’a déposé sous les rues d’un bus. Il rejoindra les autres qui sèchent sur leur petit tabouret.
Surtout, la région de Cuenca est renommée pour sa production de chapeaux de… Panama. Eh oui, ces chapeaux réputés les meilleurs du monde ne viennent absolument pas du Panama mais bien d’Équateur ! Cocorico ! Euh… zut… c’est quoi le cri du lama ? Cette fâcheuse confusion remonte au chantier du canal de Panama sur lequel des ouvriers équatoriens piochaient à l’ombre de leurs couvre-chefs.
Il existe à Cuenca un « musée du chapeau », que nous glissons entre guillemets parce qu’il s’agit avant tout d’une boutique, l’astuce classique pour attirer les touristes. Nous y apprenons que les chapeaux les plus fins demandent jusqu’à six mois de tressage manuel et se vendent 600, 800, voire 1000$. Rassurez-vous, le prix de départ est de 20$ pour des pièces qui nous semblent tout à fait correctes.
Au fond du « musée », un escalier mène sur une terrasse qui dispose de l’une des plus belles vues sur la ville basse.
L’Équateur raffole du jus de mûres, mais il y a mieux. Un couvent de Cuenca produit du vin de cette même baie. C’est frais, fruité, ça se boit comme du petit lait. Puisque les sœurs du couvent évitent tout contact visuel avec l’extérieur, le procédé d’achat passe par un tourniquet en bois encastré dans le mur, sur lequel l’argent est déposé puis revient, théoriquement, sous la forme d’une belle bouteille.
Ce couvent se situe juste à gauche de l’église Santuario Mariano, derrière le joli petit marché aux fleurs.
En parlant de marché, nous faisons plusieurs fois nos courses dans celui du 10 agosto, que nous surnommons entre nous « le marché qui pue ». Il s’agit d’une vaste halle pour les denrées alimentaire, intéressante à découvrir. En particulier si vous tombez comme nous sur le « jour qui fouette », apparemment le mardi. Rien à voir avec les narines cette fois. Des adultes et enfants payent pour se faire cravacher tout le corps avec des plantes fraîches. L’explication, certainement teintée de chamanisme, nous échappe.
Terminons ce tour de Cuenca par le musée Pumapungo. Au rez-de-chaussée, une exposition assez classique de poteries et de bijoux retrouvés dans les environs. À l’étage, cela devient plus intéressant. Chaque région ou ancienne ethnie d’Équateur est mise en scène dans une pièce avec décors, personnages en tenues et objets traditionnels.
Notre salle préférée ? Sans hésitation celle de la forêt amazonienne car elle présente d’authentiques têtes réduites. Mais si, vous savez, cette adorable pratique ancestrale qui permet de rapetisser la tête d’un ennemi jusqu’à la taille du poing. Figurez-vous qu’elle ne fût formellement interdite que récemment, dans les années soixante. Il se raconte encore l’histoire d’un anthropologue allemand, fasciné par les peuples rapetisseurs de ciboulots, dont un ami retrouva la mini-caboche quelques mois plus tard sur un marché de Cuenca.
Les photos n’étant pas autorisées dans le musée, voici un petit croquis :
Pour retrouver toute sa tête après cela, rien de tel qu’une promenade dans le parc situé derrière le musée. Il présente des fortifications d’une ancienne cité inca appelée Tomebamba, sur les ruines de laquelle les Espagnols ont édifié Cuenca.
Quelques lamas complètent le décor, mais les pauvres sont attachés. Suivez-nous, nous allons vous en présenter d’autres qui broutent en liberté !
Promenades dans le parc national El Cajas
Rien que pour sa douceur de vivre, Cuenca figure parmi nos villes préférées d’Amérique latine. Ajoutez à cela de superbes paysages à découvrir en randonnée et nous sommes aux anges !
El Cajas, ou Las Cajas, peu importe, est un parc national situé sur les hauteurs de Cuenca à ne surtout pas rater. Pour tout vous dire, nous l’avons tellement apprécié que nous y sommes retournés une deuxième fois dans la même semaine. Comme les Équatoriens font bien les choses, plusieurs lignes de bus passent à proximité du parc et déposent les randonneurs qui le demandent devant le centre d’accueil des visiteurs, à 3950m au-dessus du niveau de la mer.
Généralement, à une telle altitude, les paysages prennent une allure énigmatique. Multipliez ici le phénomène par trois ou quatre. Des plantes plus surprenantes les unes que les autres peuplent d’étranges vallées boursoufflées servant de lit à de sombres lacs.
Lors de notre première visite, nous réalisons le tour du lac principal. Il ne semble pas large, mais cache bien son jeu puisque la balade nous demande près de deux heures. C’est l’option la plus simple pour découvrir la flore locale et, si vous êtes chanceux, apercevoir quelques furtifs oiseaux colorés.
Pour notre seconde randonnée à El Cajas, nous choisissons la Ruta 1, une marche pas trop exigeante d’environ quatre heures et demie. Elle commence en longeant la plus belle partie du lac principal, poursuit en s’enfonçant dans une inquiétante forêt d’arbres tortueux avant de mener à d’autres lacs en contrebas. Difficile de se perdre, le chemin est balisé. Attention cependant, lorsque vous atteignez le gros rocher couvert de graffitis, à revenir sur vos pas, car il s’agit d’un cul-de-sac très mal indiqué.
Bonus : les temples d’Ingapirca
Vous vous souvenez probablement de Pierre de Quartz, fier représentant du peuple cañari rencontré à Riobamba. Il nous recommande de visiter Ingapirca, un site archéologique témoin de la grandeur passée de ses ancêtres. Comme nous passons à proximité, nous décidons d’y faire halte pour une nuit sur la route de Riobamba à Cuenca.
Il ne reste vraiment plus grand-chose de l’ancienne cité et nous ne recommandons la visite qu’aux passionnés d’histoire précolombienne. Cette escapade dans la région de Cañar nous permet cependant :
- d’en apprendre plus sur l’histoire de ce peuple, de sa résistance face aux Incas, puis de leur alliance,
- de découvrir à côté du temple cañari le seul et unique temple inca arrondi et non rectangulaire,
- d’observer les chapeaux blancs à pompons des femmes cañaris,
- de comprendre l’origine de l’expression « un froid de Cañar »,
- de ne pas bien saisir la présence d’un temple dédié au soleil dans une région aussi nuageuse !
Et voilà, Cuenca était notre toute dernière étape en Amérique du Sud. Avant quand ? Aucune idée. Le planisphère est catégorique, nous n’avons découvert qu’une infime partie de ce continent et nos cœurs, eux, ont déjà envie de revenir. En attendant, d’autres coins du monde nous appellent !
Conseils pratiques pour visiter Cuenca
Où dormir à Cuenca
Les logements ne sont pas donnés donnés à Cuenca ! Notre hébergement n’est malheureusement plus disponible. Voici d’autres suggestions d’adresses :
- Dans la même rue que celle où nous logions (un quartier adorable du centre), Cuenca Suites (~42€)i propose des studios bien équipés. Les avis sont unanimes !
- Si vous préférez une chambre avec petit déjeuner, jetez un œil à Pepe’s House Bed & Breakfast (~45€)i : une grande maison coloniale superbement décorée, un joli patio, des jeux de société…
Restaurants
Les bons petits restaurants et les cafés ne manquent pas à Cuenca. Sachez juste qu’ils ont une incroyable tendance à ne pas respecter les horaires d’ouverture indiqués. À plusieurs reprises, nous nous sommes cogné le nez sur des portes fermées, et ça fait mal. N’hésitez pas à appeler pour vérifier. Nos adresses préférées :
- Café Libre : nous ne nous attendions pas, dans cette petite cour quelconque, à nous voir servir d’aussi beaux plats végétaliens, à la fois inventifs et délicieux. Un de nos meilleurs restaurants de l’année. Compter entre 6,50$ et 10$ le plat.
- Moliendo Café : un autre lieu nommé café mais qui se révèle être un restaurant en bonne et due forme. Celui-ci sert une excellente cuisine colombienne à prix doux dans une ambiance chaleureuse.
- YAW Café : enfin un vrai café. C’est même l’endroit idéal pour boire une boisson chaude en terrasse, dans le beau patio de l’époque coloniale qui se situe juste à droite de la cathédrale.
- Café del Zaguán : notre repère pour travailler au calme, avec des boissons et des snacks bien préparés.
Free walking tour de Cuenca
Nous avons suivi ce tour guidé payé au pourboire, mais notre guide (Cristian) conduisait sa petite troupe au pas de course, avec peu de commentaires. Cela représente tout de même un bon circuit pour qui veut découvrir les principaux points d’intérêt de la ville.
Venir à Cuenca en bus
Aucune difficulté puisqu’il s’agit de la troisième ville d’Équateur. Les bus vont et viennent en continu depuis les autres villes du pays. Comptez 6h depuis Riobamba et 4h depuis Guayaquil.
Conseils pratiques sur Le Parc national El Cajas
Transport en bus de Cuenca à El Cajas
Pour monter à El Cajas, rien de plus simple. Rendez-vous au terminal de bus principal de Cuenca. N’importe quel bus en direction de Guayaquil passe par le parc. Certains affichent même directement « Cajas » à l’avant. Comme les compagnies de bus sont en concurrence, vous devrez comparer vous-mêmes les horaires de départ afin de choisir le plus imminent. Comptez 2$ pour un trajet d’environ 50 minutes.
Tarif
L’accès au parc est gratuit, comme toujours en Équateur. Vous devrez simplement vous enregistrer à l’accueil.
Météo
À l’altitude de Las Cajas, la température est plus fraîche que dans la vallée. Si vous avez de la chance, vous vous promènerez pratiquement en t-shirt au plus chaud de la journée. Cependant, les nuages peuvent débouler à tout moment, rafraîchir l’atmosphère et vous tremper jusqu’à la moelle. Dans le doute, emportez pulls, anoraks, bonnets… et crème solaire ! Visez le matin, car la pluie est plus fréquente l’après-midi.
Conseils pratiques pour visiter le site archéologique d’Ingapirca
Transport de Riobamba à Ingapirca
En provenance de Riobamba, nous avons facilement trouvé un bus qui se rendait au terminal de Cañar, la capitale du peuple cañari (départ toutes les 1h30, prix 6,50$, durée 4h20). Une fois dans le terminal de Cañar, plutôt que de vous rendre aux guichets, repérez le petit bus bleu et blanc vers Ingapirca dans un coin du terminal (départ fréquents, prix 1$25, durée 1h).
Dormir ou non à Ingapirca
Nous y avons passé une nuit dans l’idée de couper la route. Cependant, avec du recul, nous aurions pu faire une simple échappée à Ingapirca, puis poursuivre jusqu’à Cuenca dans la même journée. Les restaurants juste à côté du site archéologique ou le bâtiment d’accueil lui-même peuvent probablement garder vos bagages.
Il est aussi possible de réaliser l’aller-retour depuis Cuenca. Prévoir deux bonnes heures de bus à l’aller ainsi qu’au retour.
Si vous choisissez de dormir à Ingapirca, l’auberge El Castilloi toute proche des ruines nous a coûté 41$ pour deux, dîner et petit-déjeuner devant la cheminée compris. La chambre est dotée d’un radiateur, complété par des bouillottes pour les pieds !
Visite du site archéologique
La visite (35 min) coûte 2$ avec guide compris, en anglais ou espagnol au choix. À la fin, le guide vous indiquera la direction d’une promenade dans les environs.
Sachez enfin qu’Ingapirca organise de grandes fêtes à chaque solstice pour commémorer les croyances incas. Dommage, nous en avons raté une à quelques jours près.
Excellent reportage …
Merci pour ces précieux conseil …
Et : bons voyages …
Amicalement …
Merci Louis, et bons voyages à toi aussi !
Le bonheur peut se lire dans tout les mots de votre reportage. Bravo!
Eh bien merci ! On ne savait pas que ça se voyait tant que ça 😉
Vous nous faites rêver…..merci….les photos sont magnifiques
Si t’as l’occasion d’aller en Équateur un jour n’hésite pas, ce petit pays est grandiose !
Ouah ! Ça donne envie ! C’est fou parce que vous ne parlez pas du tout de sécurité… il y avait souvent des offres d’emploi en Équateur quand je cherchais à partir et en lisant France Diplomatie, c’était une très très mauvaise idée… Pas grave, j’irai en vacances 🙂
Le site des affaires étrangères est souvent trop alarmiste ! On aborde brièvement le sujet dans notre article bilan, mais en gros il n’y a rien à craindre. Il faut juste prendre les mêmes précautions qu’en France et tout se passe bien. Peut-être aussi que la situation s’est améliorée ces dernières années. Bref on recommande l’Équateur, que ce soit en tant que touriste ou expat !
Un énorme bravo pour vos photos … c’est exactement ce que j’aime regarder (et essayer de faire 😉) c’est beau et ça raconte une histoire. Mon homme et moi avons fini d’élever nos enfants , découvert le plaisir de voyager et suivons vos aventures avec des étoiles dans les yeux . J’ai une question sur l’Equateur que nous voulons parcourir l’année prochaine : le bus a l’air d’etre le moyen de transport le plus simple ,mais peut-on simplement se présenter à la gare routière ou faut-il réserver avant (la veille ou plusieurs jours à l’avance) ? Et trouve t’on facilement des chauffeurs ou des taxis …si on a un coup de flemme !
Merci et bon voyage
Oh là là, nous ne pouvions pas rêver plus beau compliment sur les photos, merci beaucoup ! Pour les bus équatoriens, il n’y a pas besoin de réserver, il suffit d’arriver un peu avant l’heure visée. Nous passions parfois la veille pour vérifier les horaires si les départs étaient rares, mais généralement il y en a très souvent car c’est le moyen de transport le plus utilisé dans le pays. Nous n’avons pas remarqué de taxis pour les grandes distances mais il y en a plein dans les grandes villes alors cela doit pouvoir se trouver! Bon voyage d’avance !
Ma conjointe et moi, nous explorons la possibilité d’aller en Équateur à l’hiver 2020/2021. Merci pour vos informations et photos, c’est très intéressant. En cherchant sur Internet, je viens de découvrir Cuenca et c’est très attirant!
Depuis 8 ans, nous passons l’hiver au Mexique que nous aimons beaucoup mais le goût de voir d’autres choses nous attirent encore d’avantage.
Si vous aviez des suggestions à nous faire sur l’Équateur ou sur Cuenca même, n’hésitez pas …
Bonjour Robert,
C’est vrai que l’hiver est très plaisant aux Mexique, mais l’Équateur recèle d’autres charmes. On vous conseille également la Colombie, pour un hiver suivant par exemple !
Pour les suggestions concernant l’Équateur et Cuenca… nous avons déjà écrit à peu près tout ce que nous avions à dire dans nos articles !
Que c est beau ! vous me donnez tellement envie.. j y vais dans une semaine avec toutes vos idées et conseils.
J ai essayé de contacter l agence pro bici pour la descente du chimborazo à vélo. Je n y arrive pas. Avez vous fait votre réservation directement à Riobamba la veille de la descente ? Merci pour votre réponse et bravo de nous faire partager vos voyages.
Bonjour Jacqueline,
Oui nous avons réservé directement au bureau de l’agence la veille. Prévoyez du temps, car le gérant est bavard !
Bon voyage !