Prizren, premiers pas enchanteurs au Kosovo

Après avoir vadrouillé chez tous ses voisins, nous visitons enfin le Kosovo qui nous intriguait fort. En cinq heures de bus depuis Ulcinj au Monténégro, nous traversons l’Albanie, passons un col de montagne et débarquons dans la ville réputée la plus belle du Kosovo : Prizren.

Magnifique cette Prizren, n’est-ce pas ? Mais… visiter le Kosovo, est-ce bien sérieux ?

Pas de panique, le pays est sûr pour les touristes. Tout à fait sûr. La guerre s’est achevée en 1999 et même si des querelles persistent avec la Serbie, elles se concentrent sur une poignée de municipalités proches de la frontière nord qu’il convient simplement d’éviter.

Et les Kosovars apprécient les rares visiteurs. Pardon, ils les ADORENT. Jamais nous n’avons reçu un tel accueil dans toute l’Europe. Sous une profusion de sourires, les passants nous déroulent un tapis rouge de Hello, Welcome et Where are you from.

Dès nos premiers pas, une singularité nous interpelle : la ville de Prizren n’hésite pas à mélanger le bringuebalant et le moderne. Des maisons fatiguées, des terrains vagues, des vieux tacots et des nœuds de câbles fixés sur des poteaux pas très droits côtoient des trottinettes électriques, des cafés modernes et des centres commerciaux flambants neufs. Le Kosovo nous fait penser à un cycliste qui, ralenti par une chute, remonte sur selle avec la ferme intention de rattraper son retard. Les égratignures attendront.

Quelque part dans cet ensemble hétéroclite, entre une petite rivière et une colline, trône un vieux centre fait de ruelles pavées, d’étages en encorbellements et d’une pointe de féérie. C’est cet adorable quartier piéton qui nous accueillera plusieurs nuits, dans cet hôteli tout neuf et doté d’une vue à faire pâlir les cartes postales.

Il faut dire que Prizren est une exception au Kosovo. L’ancienne Yougoslavie, passionnée de modernisation, adorait raser les quartiers poussiéreux et poser de gros cubes à la place. Nous sommes dans l’un des centres-villes « élus », préservés par le régime titommuniste.

Pour autant, le centre n’est pas flambant vieux à la manière de ces villages qui gagnent des concours de beauté. À part quelques touristeries, il a gardé sa fonction de lieu de vie pour les habitants de Prizren.

Par exemple, les allées de l’ancien bazar hébergent des bars assourdissants tandis que, trois ruelles plus loin, siègent des couturiers, des menuisiers et même un réparateur d’enceintes (probablement celles malmenées dans les bars). Pour vous aiguiller dans votre visite, les deux rues que nous trouvons les plus jolies sont Sheshi i Shatërvanit et Farkatarët.

(Yah pa dë koi.)

Nos errances nous mènent notamment aux vieux bains turcs, reconnaissables aux champignons ablutinogènes qui servent de toits.

Dans la même rue, une succession de boutiques spécialistes du mariage nous en font voir de toutes les couleurs. En particulier l’or, qui émaille la tenue traditionnelle kosovare.

Mais nos chaussures nous ramènent toujours près du vieux pont de pierre, l’un des trois symboles de Prizren. Le deuxième étant la mosquée Sinan Pacha, qui s’invite sur une bonne partie de nos clichés.

Nous sommes surpris de réaliser à quel point une architecture si simple, une coupole, un minaret et trois arches, parvient à illuminer un panorama. L’intérieur de la mosquée n’est pas en reste, avec son plafond d’arabesques fraîchement rénové grâce à l’aide de la Turquie.

Dans le joli jardin situé à l’arrière de la mosquée Sinan Pacha, un café étale ses tables. L’occasion de déguster un thé dans le traditionnel verre à chaï turc, ou alors un café turc dans l’encore plus traditionnel service finement ciselé.

Pour imiter vos voisins, dégustez vos boissons en décortiquant des graines de tournesol grillées, préalablement attrapées dans l’une des nombreuses boutiques de fruits secs.

Turquie par-ci, Turquie par-là… Le Kosovo est resté très proche culturellement de celle-ci, en tant qu’ancienne province de l’Empire Ottoman. Une influence qui n’est pas pour nous déplaire, surtout lorsque nous dégustons les loukoums de notre vie chez Saray.

Mais reprenons la promenade. En remontant la rivière vers l’ouest, nous tombons sur un petit parc entouré de superbes maisons traditionnelles, qui constituent le musée de la Ligue Albanaise (1€).

Un peu plus loin, sur l’autre rive, une mosquée s’entoure de verdure et de cafés sous les arbres. Un lieu très agréable pour prendre le vert ou prendre un verre, entouré de petits vieux qui retrouvent leurs potes.

Vous allez finir par penser que la ville est pleine d’anciens. Houlà non ! Au Kosovo, 46% de la population a moins de 18 ans et cela se voit dans les rues. Un véritable raz-de-marée d’adolescents nous entoure.

Les jeunes comme les moins jeunes remarquent rapidement nos appareils photos et les plus intrépides des Kosovars nous réclament des clichés. Parfois pour que nous les leur envoyions, parfois juste pour faire don de leurs sourires.

La demande la plus mystérieuse concerne un portrait de dos, ardemment souhaité par une jeune ado. Pour la peine, le voici :

Pour une première approche des Kosovars, nous ne nous ennuyons pas ! Les touristes qui préfèrent éviter la cohue viseront le matin (les ados ont besoin de sommeil).

Nous ne vous avons dévoilé que deux des trois symboles de Prizren. Eh bien la fin du suspense a sonné. Le dernier est une forteresse qui domine la ville, ou Kalaja en albanais. Une belle grimpette effectuée en compagnie d’un chien qui nous a adoptés.

Une fois là-haut, il est possible de se promener librement sur les murailles, avec la vue la plus indéniablement belle sur Prizren d’un côté… 

… et sur la montagne de l’autre. Cette dernière nous file des envies de randonnées, que nous partons satisfaire dès le lendemain !

 

Le parc national des monts Sharr

Aujourd’hui c’est parc national. Les monts Sharr (ou Šar) hérissent une partie de la frontière entre le Kosovo du sud et la Macédoine du Nord du nord.

Nous nous sommes longuement interrogés sur les moyens d’atteindre ce parc sans voiture depuis Prizren, avant de trouver une solution très simple : monter dans un bus pour le village de Prevalla et l’utiliser comme départ de randonnée (voir conseils pratiques en fin d’article).

Prevalla nous accueille entre ses chalets et une grande pelouse en pente sur laquelle des dizaines de familles se détendent, pique-niquent ou font virevolter un cerf-volant Reine des Neiges fraîchement acheté au vendeur d’à côté. L’hiver, cette pente régale les amateurs de luge, pendant que les skieurs s’essoufflent à atteindre les hauteurs, en l’absence de remontées mécaniques.

Pour compléter le décor, le centre du village consiste en un vaste parking où se mélangent voitures, quads, bus, motards tchèques et marchands de pots de miel. Sans oublier les jarres de fromage conservé dans son petit lait.

Plusieurs sentiers de randonnée décollent du village. Nous optons pour celui qui file vers le nord, promesse de vues grandioses, sans toutefois barboter dans la neige qui enrobe les sommets du sud. Pour les amateurs, voici la trace GPS.

La marche démarre sous de grands pins. Malgré la jeunesse de la population du Kosovo, nous ne croisons plus que des septa/octogénaires, une canne dans une main et un sac dans l’autre pour la récolte du jour. La tisane de primevère a des vertus tonifiantes, manifestement.

Tandis que nous atteignons la crête, la beauté des paysages atteint elle aussi des sommets, avec vue sur les deux côtés. Mais c’est surtout le côté enneigé qui nous fascine.

Quelques pointes plus loin, nous pique-niquons puis rebroussons chemin. Nous tentons un chemin alternatif indiqué sur l’appli Maps.me, via le sommet « Popovo prase ». Ne nous imitez pas, c’est un sentier fantôme semé de bûches et d’embuches. Mieux vaut redescendre par le chemin principal.

Dans le bus du retour, notre voisin est un vrai moulin à explications. Il nous ouvre les yeux sur une subtilité géopolitique que nous n’avions pas perçue : les Kosovars se sentent majoritairement albanais et rêvent de fusionner avec l’Albanie voisine. D’où les nombreux aigles noirs qui volent sur fonds rouges dans les rues. La Serbie bloque, considérant toujours le Kosovo comme l’une de ses provinces, certes autonome, mais une province quand même.

 

Notre avis sur Prizren

Cette première étape au Kosovo nous a fait très forte impression. Non contente d’être dans un pays joyeux et accueillant, Prizren est aussi dépaysante, agréable, fort jolie et proche de la nature. Bref, si vous ne devez visiter qu’une seule ville au Kosovo, nous vous conseillons sans hésiter celle-ci ! Et si vous vous trouvez en Albanie ou en Macédoine du Nord, n’hésitez pas à passer la frontière pour la découvrir.