Après l’adorable Prizren et la vivante Pristina, la dernière étape de notre voyage au Kosovo prend le nom de Peja, ville choisie en sa qualité de porte d’entrée du Canyon de Rugova et du parc national des Monts Maudits. Brrrrr… drôle de nom !
Mais alors, sont-ils maudits ou bénis, ces monts ? Nous allons tâcher d’y répondre. Pour commencer, laissez-nous vous présenter la ville de Peja elle-même.
Peja : bon appétit, Toni Bleri et Meg Donald
L’approche de Peja n’est pas folichonne. Une météo maussade grise les murs et nous remarquons pas mal de bâtiments abandonnés çà et là. Mais pour le coup, c’est la faute de la guerre et non de la clique de montagnes embrumées qui nous toisent, aussi maudites soient-elles.
Comme pour conjurer le sort, les habitants de Peja se montrent particulièrement joyeux. À peine marchons-nous quelques pas dans le centre, que nous voilà chaleureusement salués de toute part, signe que le touriste est un élément rare par ici ! Bonne humeur pour bonne humeur, nous apprécions rapidement la petite ville, malgré le peu de curiosités à nous mettre sous la dent.
Tout comme à Prizren, les habitants qui repèrent nos appareils photos aiment demander leur portrait, souvent sans chercher à le récupérer.
Autre incompréhension : un passant qui ignore notre nationalité prononce très clairement « bon appétit », en français s’il vous plaît, en nous voyant boire à la gourde. Idem plus tard, de la bouche d’un serveur qui nous apporte un café.
Comme souvent au Kosovo, le tissu architectural est décousu. Il passe du coq à l’âne, puis du mouton au papillon. Une vieille mosquée peut ainsi côtoyer un immeuble neuf, suivi d’un pavillon, le tout emmêlé dans un imbroglio de fils éclectiques.
Quelques rares maisons séculaires appelées kulla se distinguent à leurs dimensions et leurs pierres bien épaisses, chargées de protéger une famille entière en cas de pépin.
Dans un autre style, nous découvrons que Peja est la ville de naissance de la fameuse chaîne de restaurants Meg Donald.
Plus sérieusement, Peja est aussi le nom d’une bière qui fait la fierté locale en tant que plus vendue du Kosovo.
Enfin, notre coin préféré du centre est une promenade plantée, proche de la rivière, placée sous la protection de :
Le nouveau vieux bazar de Peja
Une visite de Peja n’est pas complète sans un passage dans le vieux bazar. Le quartier nous replonge dans le passé, celui des centres-villes ottomans où se mêlaient commerce, religion, éducation, restaurants et cafés. La zone s’est hélas vue ratiboisée par la guerre de 1999, puis reconstruite, laissant une partie de son âme sous les gravats.
Nous recommandons de ne pas s’arrêter à la ruelle principale, même si c’est la plus photogénique. En nous éloignant, nous tombons sur des boutiques de plus en plus étonnantes et ultra spécialisées : rideaux en dentelle, chapeaux blancs traditionnels, landaus à bascule, vêtements Mickey, harnais pour chevaux… Et c’est là que nous croisons les vendeurs les plus bavards, accueillants et sympathiques.
Avant de repartir, nous faisons un léger détour vers l’ancien hammam. Même s’il est fermé, il est amusant de voir dépasser sa bizarroïde toiture.
Dernier conseil : ne visitez pas le vieux bazar le dimanche, il se vide de toute présence humaine.
Interlude capillaire
Mi-raison a les cheveux qui frôlent les yeux, il se rend donc chez un « berber » (coiffeur pour homme et barbier). Le professionnel attrape une bouteille sur laquelle il est écrit « gel douche corps » en français, procède au shampouinage en lui tapant le nez au fond d’un lavabo, et termine la coupe en larmes, car il ne parvient pas à retirer un cheveu de son œil (le coiffeur, pas Mi-raison). Mais… très sympathique expérience !
Courte randonnée sur les hauteurs de Peja
Revenons à nos montagnes. Par prudence, nous ne nous jetons pas directement dans la gueule des Monts Maudits. Nous optons pour une courte promenade de reconnaissance. Un sentier fléché de panneaux jaunes grimpe entre les maisons au départ du flanc ouest du parc Karagac, puis dans une forêt bien dense. Après quarante-cinq minutes et deux pauses discut’ avec une tortue des Balkans et un pic syriaque, nous atteignons une prairie.
La vue se dégage sur une partie de la ville, d’où s’élèvent les échos d’un appel à la prière, ainsi que sur une vaste plaine à l’est. Impossible, cependant, d’oublier la présence des montagnes damnées dans notre dos. Comme aucun maléfice ne semble s’en dégager pour le moment, nous osons, petit à petit, les regarder en face, hautes, vertes, nuageuses et… belles !
Peja, Pejë ou Peć ?
Avant de poursuivre, un aparté s’impose. Les villes du Kosovo ont souvent trois noms différents et les touristes s’arrachent vite les cheveux. Pour vous épargner une calvitie, nous avons tenté de tirer cette histoire au clair :
- Google Maps n’affiche pas toujours la même langue. Tantôt c’est l’albanais, tantôt le serbe. Et il sous-titre même parfois en cyrillique, ce qui donne pour Peja : Peć / Пећ.
- Pourtant, une grande majorité de Kosovars parle albanais et souffre d’une allergie à la langue serbe. Dans le doute, pariez sur l’albanais.
- Attention, cela se complique. Les noms albanais possèdent deux formes : indéterminée (une voiture = makinë) et déterminée (la voiture = makina).
- Pour les villes, la forme indéterminée (Pejë) ne s’utilise que sur un dictionnaire ou une carte. Dans une phrase, c’est Peja qu’il faut choisir.
Dans nos articles, nous tâchons de choisir la forme la plus utilisée par les médias occidentaux et de la garder pour rester constants.
Le Monastère de Peć
Peć ?!? Ah bah bravo la constance, qui vole déjà en éclats ! Bon, nous allons juste faire une exception pour ce monastère à 200% serbe.
Ce jour-là, nous prenons notre courage à deux pieds pour affronter les Monts Maudits et nous nous rendons au point d’information du Rugova Canyon à la recherche de possibilités de randonnées. Curieusement, les employés n’ont aucun sentier en stock pour vadrouiller dans le canyon lui-même. Les randonnées proposées démarrent plus loin, à vingt kilomètres de là (voir infos pratiques plus bas). Qu’à cela ne tienne, nous marcherons sur le chemin des voitures !
Notre randonnée non officielle commence par une visite du monastère patriarcal de Peć, lieu d’importance pour les Serbes en tant qu’ancien siège de leur église. Il reste sous protection militaire, comme les autres monastères orthodoxes du Kosovo, ce qui signifie que nous devons présenter nos passeports. Mais une fois dans l’enceinte du monastère, la tension s’évanouit.
Le lieu est magnifiquement jardiné, des oiseaux chantent et des sœurs tout en noir déambulent dans la plus grande sérénité.
Le clou du spectacle est une église rouge, dont l’intérieur est encore plus surprenant. Dans plusieurs salles et chapelles successives, les personnages bibliques vaquent à leurs occupations bibliques sur chaque once de mur et de plafond disponible. Dommage que les photos soient interdites.
Le Canyon de Rugova
Nous repartons à dos de chaussures en direction des montagnes maudites. Alors que les voitures nous frôlent, deux joyeux papis nous font signe de les suivre sur un chemin secret, jusqu’à une série de tables tout aussi secrètes à deux pas de la rivière. Ils nous assoient de force et nous offrent deux bières, des Peja bien entendu. Bon appétit !
Ces bonnes bières bien englouties, nous tombons sur un sentier pavé tout neuf, financé par le drapeau américain. Nombreux sont les habitants qui l’empruntent en ce dimanche, c’est un succès.
Plus loin, un homme est trop heureux de rencontrer des Français. Venu se réfugier en France par le passé, il veut nous rendre l’hospitalité en nous offrant de dormir… sur le petit canapé de sa cabane. Euh… merci !
Au bout du sentier, un restaurant étale sa terrasse juste au-dessus de l’eau. Nous copions nos voisins en commandant un jus de cerise. Ne seraient-ils pas idylliques, finalement, ces monts maudits ?
Le chemin piéton terminé, nous retournons sur la route. Les gorges commencent à se rétrécir et nos pupilles à s’élargir face aux promesses de grandeur.
Lorsque soudain… une énorme bourrasque s’invite. Le ciel s’obscurcit en deux minutes. Et le temps de courir nous réfugier au restaurant, un déluge commence.
Conseils pratiques pour visiter Peja et le Canyon de Rugova
Trajet entre Pristina et Peja
Plusieurs bus font la liaison chaque jour entre les stations routières de ces deux villes, en 1h30 et pour 5€. Toute la difficulté est de connaître les horaires. Pour éviter toute surprise, nous avons réservé nos billets dès notre arrivée à Pristina.
Dormir à Peja
Sur trois nuits, nous avons pu tester deux adresses :
- Nous déconseillons l’hôtel Camp Karagaq (~45€)i qui a la double casquette d’organisateur de fêtes de mariages dans une salle juste sous les chambres, et ne prévient pas ! N’espérez pas vous rattraper avec une grasse matinée, l’hôtel possède aussi un stand de tir. Lorsque le gérant nous annonce une nouvelle fête, nous nous carapatons.
- Nous conseillons fortement Kulla e Zenel Beut (~66€)i, situé dans une belle kulla (maison fortifiée) rénovée. C’est plus cher, mais totalement justifié par le niveau de confort, la décoration, l’emplacement.
Manger à Peja
- Notre restaurant préféré est Gardé. Nous y avons même dîné à deux reprises. L’ambiance est un peu trop chic à notre goût, mais les plats sont très bons, tout comme l’accueil.
- Plus relax, le Zade Lounge Bar est très bien pour des cocktails et des frites dans un décor de vieille maison chaleureuse. Personnel chaleureux lui aussi et bonne ambiance.
Comment bien visiter le Canyon de Rugova et le parc national des Monts Maudits
Vous l’aurez compris, nous ne sommes pas parvenus à visiter le canyon de Rugova à notre guise. La faute à notre manque de voiture, notre mauvaise organisation et à une météo un peu caprichieuse. Notre expérience servira au moins à vous éviter les mêmes déconvenues.
Si vous voyagez avec une voiture sous le coude, c’est l’idéal, car vous pourrez explorer le canyon et faire des pauses photo. Puis, rendez-vous juste avant la frontière avec le Monténégro pour randonner. Visez par exemple la balade jusqu’au lac Liqeni Kuqishtes, en vous garant près des restaurants en contrebas.
Si vous n’êtes pas véhiculés, une bonne solution découverte trop tard est le bus public qui fait, paraît-il, deux allers-retours par jour depuis Peja pour se rendre au village de Bogë, avec de multiples possibilités de randonnées. Le départ du matin serait vers 8h, mais rendez-vous la veille à l’office de tourisme (ici) pour confirmation.
En tout cas, nous ne conseillons pas de randonner sur la route comme nous l’avons tenté après le restaurant Lumi i bardhe, car les voitures frôlent. Avant le restaurant, le chemin « américain » offre une très agréable promenade le long de la rivière qui part du centre de Peja, loin des voitures.
L’office de tourisme du Rugova Canyon pourra aussi vous briefer sur les « via ferrata » du canyon, vous louer harnais et mousquetons, vous prodiguer quelques consignes de sécurité et zou, bonne chance !
Il est enfin possible de visiter le canyon à vélo, mais attention, les voitures roulent vite et quelques tunnels nécessitent que votre engin ait des phares. N’hésitez pas à prendre le chemin « américain » pour vous approcher, il est cyclable.
Bref à refaire, nous visiterions le premier jour le monastère et le point d’information (plus éventuellement le chemin « américain », dommage qu’il ne communique pas avec le monastère). Le second jour, nous nous enfoncerions dans le canyon grâce au bus et randonnerions près du Monténégro.
Notre dernière image du Kosovo sera la ribambelle de bus recyclés croisés à la gare routière de Peja. Les autocollants indiquent encore leurs anciennes affectations : Allemagne, Bourgogne, Corse…
Pour notre part, nous montons dans un bus monténégrin, direction Kolašin !
Hello à vous deux. Première fois que je commente votre blog depuis des années de lecture… Je voyage autant que je peux, et lors de mes recherches pour quasi chacune de mes destinations, je tombe toujours sur l’un de vos articles ! Ça en devient presque un running gag. Continuez car grâce à vous, je peux tellement mieux organiser mes voyages.
Au-delà de cette introduction nécessaire, je me trouve au Kosovo en ce moment et j’arrive demain a Peja pour trois jours. Où se trouve précisément l’entrée du chemin américain ? Je serai véhiculé et je me rendrai également du côté du petit lac à la frontière monténégrine.
Haha, on dirait qu’on a des goûts communs 🙂 On imagine la surprise pour Peja, car de notre côté on ne s’attendait pas à être beaucoup lus sur cette destination.
Le chemin américain est le petit sentier vert qui commence ici.
Bonne balade et admire bien le lac pour nous !