Pour échapper à la grisaille dégoulinante d’un mois de novembre tel celui que nous avons à Gênes, rien de tel qu’égayer son horizon avec une succession de villages colorés. Et pas n’importe lesquels. Nous parlons des cinq plus beaux villages colorés du monde : les fameuses Cinque Terre en Ligurie. Le tout situé, pour ne pas faire les choses à moitié, sur un sublime massif toisant les flots bleus.
Les cinq protagonistes de cette histoire sont :
Oh pardon, les six protagonistes ! Portovenere, situé un peu plus loin dans le même parc naturel, est surnommé avec justesse et affection la sixième terre.
Maintenant, visiter le parc naturel des Cinque Terre, c’est sympa. Mais le visiter en randonnant… c’est mieux. Surtout depuis que les municipalités ont chassé les voitures de leur territoire et encouragé les transports pédestre et… ferroviaire pour compléter.
Nous nous sommes concocté un petit programme sur deux jours et une nuit. Libre à vous de vous en inspirer ou de faire tout le contraire, mais deux jours nous semblent la juste durée :
- Train depuis Gênes
- Jour 1 : randonnée de Vernazza jusqu’à Riomaggiore
- Nuit à La Spezia
- Jour 2 : randonnée de Riomaggiore à Portovenere
- Retour à Gênes
Au total, cela représente 10,5 km (6 heures) de marche le premier jour, 12,5 km (5h30) le deuxième jour, sans compter les pauses. Vous noterez que nous avons zappé la première portion entre les villages 1 (Monterosso) et 2 (Vernazza). La raison est notre ami-ennemi le soleil : nous avons estimé qu’il se coucherait trop tôt en novembre pour boucler les cinq premiers villages en une journée, même si cela n’ajoute que 3,5 km de randonnée (1h30).
Quelques détails pratiques sur les Cinque Terre
Les différents sentiers
Avant de partir, sachez qu’il n’y a pas un, mais toute une flopée de sentiers pédestres qui parcourent le parc naturel, avec différents niveaux de difficulté. Schématiquement, un sentier côtier plutôt facile relie les cinq premiers villages entre eux. Mais il existe aussi un sentier montagneux, qui ondule aux sommets des collines en ignorant totalement les villages. Entre les deux, des sentiers transversaux crapahutent à diverses altitudes. En les utilisant à bon escient, il est possible d’ajouter un peu de piment entre deux villages ou bien s’éloigner de la foule… qui n’est vraiment pas un problème en basse saison.
▸ Voir la carte officielle des sentiers
Quant aux sentiers du deuxième jour, entre numéro 5 (Riomaggiore) et numéro 6 (Portovenere), ils n’offrent pas ou peu d’alternatives. Nous nous sommes laissé guider par cet itinéraire.
Fermetures de tronçons
Nous n’étions pas contre l’idée de nous la couler douce sur le sentier côtier… hélas de graves glissements de terrain l’ont disloqué par endroits en 2012. Des travaux de rénovation sont prévus jusqu’en 2024, voire 2025 parce qu’ils sont complexes. Pensez à bien consulter l’état des sentiers sur ce site. Pas de panique, il y a toujours des alternatives (et le train en dernier recours). Nous nous sommes adaptés en empruntant quelques sentiers transversaux, plus abrupts, mais qui offrent de sacrées vues. Surtout lorsqu’ils replongent sur un village !
Péages piétons
En hiver, de début novembre à fin mars environ, aucun péage en vue. En revanche, le reste de l’année, il faut payer sa dîme pour emprunter les quatre sentiers côtiers. Tous les autres sont gratuits. Un pass est vendu en gare ou à l’entrée des chemins payants, son prix varie en fonction des ouvertures et fermetures (prix 7,50€ en 2023).
Train
Il est extrêmement facile de glisser d’un village à l’autre en train, grâce à une série de tunnels osés : même le plus fada des modélistes n’aurait pu imaginer un tel décor de train miniature. Seul le sixième village Portovenere est isolé du rail, mais un bus permet de rallier La Spezia.
Plus d’infos pratiques (comment venir depuis Gênes, où dormir…) en fin d’article.
1er village : Monterosso al Mare
Comme expliqué plus tôt, nous zappons le tronçon Monterosso – Vernazza pour cause d’insuffisance solaire hivernale. Nous avons juste le temps d’apercevoir une oreille du village lors de notre correspondance de train. Mais si vous êtes en forme, go ! Le sentier ne représente qu’1h30 de marche (et de marches au pluriel).
2ème village : Vernazza
Trois minutes de train plus tard, notre journée commence pour de bon. Le village de Vernazza s’éveille sous un soleil radieux et nous en met plein la vue avec ses maisons siiiiiiiiii colorées, son petit port siiiiiiiiii mignon et ses tours de pierre siiiiiiiiii lindriques.
Le village nous rappelle bigrement le décor du film d’animation Luca. Les artistes de chez Pixar ont fini par nous avouer sous torture s’être inspirés de la place principale.
Des étoiles encore plein les yeux, nous repérons le sentier vers le village suivant et commençons à grimper entre des oliviers et des citronniers qui bronzent en terrasse.
Il s’agit ici d’un sentier côtier, c’est-à-dire payant la majeure partie de l’année. Pourtant il est serré et ses pavés sont disloqués. Nous nous attendions à plus stable pour un sentier si emprunté, mais cela fait un peu son charme, n’est-ce pas ?
3ème village : Corniglia
Après deux cents mètres de dénivelé positif et cent de négatif, nous déboulons à Corniglia. Sa silhouette est scotchante, perchée sur une colline telle… euh… une colonie de manchots multicolores.
La carte postale est tout aussi ravissante de près. Une fois les agrumes, les vignes et les cactus passés, nous nous perdons dans des ruelles…
… quasi vides ! Qui a dit que les Cinque Terre étaient devenues infréquentables tant il y avait de touristes ?
Contrairement aux autres « Terre » organisées essentiellement autour de la pêche, Corniglia est tourné vers la terre. Les marches d’escaliers par centaines qui descendent vers la mer ont dû décourager les vocations marines.
Le sentier côtier vers le 4ème village démarrait justement par un escalier à rallonge, puis il poursuivait presque au niveau de la mer. C’est cette portion qui s’est fait engloutir par le glissement de terrain et qui nécessite des travaux herculéens.
4ème village : Manarola
Au lieu de cela, nous nous hissons sur une haute colline via le sentier « transversal », touchons les nuages, puis replongeons sur Manarola.
Au milieu de cette sacrée descente, nous sortons de nos sacs la table à pique-nique, deux chaises, quelques cocktails, un festin en six étapes, des transats pour la sieste et un parasol (oui, nous sommes plutôt bien équipés). Le tout avec vue.
Puis nous traversons des vignes… enguirlandées. Hé oui, depuis des décennies, à l’approche de Noël, se déploient ici les trois cents personnages et animaux d’une crèche lumineuse géante, admirable depuis le village. Son inventeur vient de disparaître à l’âge respectable de 95 ans, non sans transmettre aux générations suivantes le flambeau électrique.
La plus belle vue sur Manarola nécessite un détour vers le cimetière. Sur un roc, s’agrippe une grappe de baraques compactes, baroques, foutraques et loufoques. Quel spectacle !
Nous virevoltons dans quelques ruelles, attrapons une glace au goût « manarola » (citron + crème aux œufs) et repartons sur les chapeaux de roues, en retard pour la fin du soleil.
5ème village : Riomaggiore
Comme le sentier côtier précédent, la fameuse rue « de l’amour » (via dell’Amore) qui rejoint le village suivant est en plein relifting. Nous sommes bons pour une montée-descente « de la mort ». Heureusement, l’étape est courte.
Ici encore, une haie d’honneur de vignes nous accueille. La singularité du climat, associée à la difficulté de cultiver sur pente, engendre un vin liquoreux parmi les plus chers d’Italie (et les plus difficiles à prononcer sans faute) : le Sciacchetrà.
Quelques instants plus tard, nous voilà dans le centre de Riomaggiore, aux façades repeintes d’or par le soleil fléchissant.
En nous enfonçant dans le village, nous réalisons qu’il est purement et crûment scindé en deux par le chemin de fer. C’est-à-dire que sa rue principale se transforme en mini tunnel piéton sous les rails avant de… reprendre sa fonction de ruelle principale.
La Spezia : métro, aperitivo, dodo
Nous ne passons pas la nuit à Riomaggiore. Quatre minutes de train plus tard, nous sommes à La Spezia, la grande ville du coin. Ce petit bout de rail permet de diviser par deux le prix de l’hôtel et nous ne sommes pas contre.
Même si la ville abrite un grand port industriel, son centre est charmant, piéton et bien vivant. Sur la table d’un bar, comme le veut la tradition dans certaines régions d’Italie, nos verres atterrissent accompagnés d’un aperitivo à grignoter : bruschetta, farinata, tapenade, pain au noix…
Des parts de pizzas viendront compléter le petit creux restant et nous redonner des forces pour le lendemain.
Randonnée de Riomaggiore à Portovenere (12,5km)
Au deuxième matin, nous avalons un rapide petit déj’, trouvons un déj’ à emporter, retournons à Riomaggiore en train et reprenons la randonnée exactement là où nous l’avions laissée la veille.
Nul village extravagamment coloré ne vient interrompre cette étape, qui se réalise donc d’une traite. Si ce n’est quelques pauses pour reprendre notre souffle durant la looooongue montée. Mesdames, messieurs, les vues sublimes se méritent !
Une fois le sanctuaire de Montenero atteint, commence une portion forestière. L’automne s’affirme dans toute sa splendeur, avec des feuilles et des châtaignes qui tombent, des champignons et des cyclistes qui poussent.
Les vues se font plus rares, mais il est possible sur la pointe des pieds d’apercevoir le golfe de La Spezia.
L’horizon finit par se dégager sur une côte blanche déchirée, restée sauvage, magnifique. Elle nous rappelle nos calanques marseillaises.
Portovenere, la sixième roue du carrosse
À l’heure où la lumière poétise, l’arrivée sur Portovenere nous hypnotise. Le cadre de ce village est idyllique, avec la verdure du parc naturel dans le dos, un bras de mer turquoise à ses pieds et une boule de verdure qui ressurgit en face.
Quant au village en lui-même, il est un poil moins impressionnant que les autres, mais nous plaît tout de même beaucoup avec son air médiéval, sa porte de pierre, ses fortifications, ses ruelles étroites et ses façades aux couleurs tutti frutti.
Cerise sur le gâteau, une petite église trône sur un rocher face à la mer. Il se raconte qu’elle aurait dérobé cet emplacement à un temple dédié à Vénus.
Ne manquez pas la vue depuis les soubassements, qui plaisait certainement à la déesse de l’amour.
Contrairement à la veille où nous n’avons pas arrêté d’entendre parler français, nous n’avons croisé ce deuxième jour que des Italiens.
Nous lançons un dernier regard à la méconnue sixième terre, rosie par le crépuscule, et prenons la route du retour.
Notre avis sur les Cinque Terre
Nous en rêvions depuis longtemps et nous avons réussi : visiter les Cinque Terre sans la foule ! Le plus difficile fut de trouver un créneau de deux jours ensoleillés au mois de novembre, ce qui n’est pas si simple dans la région. Ensuite, ce ne fut que du bonheur. Les villages sont magnifiques bien sûr, mais les randonnées entre deux ne sont pas en reste, avec le suspense de la découverte d’une nouvelle silhouette colorée. Nous ne sommes pas certains que nous aurions autant aimé en haute saison, tant les ruelles et les sentiers sont étroits. Sans parler des plages bondées et des bateaux par centaines. Enfin, nous conseillons fortement d’ajouter la deuxième journée de randonnée vers Portovenere, qui nous a autant séduits que la première dans les Cinque Terre !
Conseils pratiques sur les Cinque Terre
Se déplacer vers et dans les Cinque Terre
- Ne venez surtout pas visiter les Cinque Terre en voiture, les accès sont réglementés. Il est conseillé de se garer dans les villes de Levanto ou La Spezia toutes proches et de finir en train.
- Sinon, depuis Gênes, comptez 1h20 de train et 7€90 pour atteindre Monterosso, le village le plus au nord de la fratrie.
- Si vous arrivez du sud, comptez 1h10 et 9€50 pour rallier La Spezia depuis Pise.
- Une gare est présente dans chaque village (sauf Portovenere), n’hésitez pas à faire des sauts de puce en train pour compléter vos balades ou simplement vous reposer les jarrets.
- Tous les horaires et tarifs des trains cités sont accessibles sur le site de Trenitalia.
- Quant à Portovenere qui n’a pas sa gare, un bus le relie à La Spezia plusieurs fois par heure. Les tickets s’achètent sur une machine automatique (celle de Portovenere est cachée sous les arcades près de l’arrêt). Sélectionnez l’option « Extraurbano 03 » à 2€50. À l’arrivée, il faut marcher 10 min entre l’arrêt de bus et la gare de La Spezia.
Randonner entre les villages des Cinque Terre
- Pour rappel, nous vous recommandons fortement d’étudier les sentiers ouverts sur le site www.incinqueterre.com avant de vous lancer.
- Une fois sur place, les sentiers sont bien marqués, mais une appli telle Maps.me peut s’avérer utile pour éviter les boulettes.
- Pour notre deuxième jour, entre Riomaggiore et Portovenere, nous avons suivi cet itinéraire.
Dormir dans les Cinque Terre
Cela fait rêver, mais votre porte-monnaie risque de faire la grimace. Si vous disposez d’un porte-monnaie de bonne humeur, profitez-en pour trouver une chambre avec vue. Par exemple celles de cet hôteli à Riomaggiore semblent enchanter ceux qui y dorment.
Sinon, l’option plus sage est de dormir à La Spezia, à 4 minutes de train seulement de Riomaggiore. Nous avons apprécié la jolie chambre que nous avons trouvée chez Alba Rooms pour 50€ (tarif basse saison), très confortable et toute proche de la gare. Voir le logement sur Bookingi.
(Et s’il n’est pas disponible, car il est rapidement complet, vous pouvez tenter celui-cii, un peu plus cher mais tout proche de la gare également.)
Manger ou pique-niquer
Le premier jour, il est aisé de trouver à manger dans l’un des villages, même si les prix sont un peu enflés. Pour notre part, nous nous étions préparé notre pique-nique.
Le deuxième jour, les options sont beaucoup moins nombreuses. Nous avons tout de même repéré des restaurants vers le mini village de Campiglia Tramonti, dont certains semblaient ouverts en hiver (appelez pour vérifier). De notre côté, le pique-nique du jour était constitué de parts de focaccia dégotées à La Spezia chez La Triangoleria. Un point d’eau pour recharger les gourdes est disponible à mi-chemin, sur la place de l’église de Campiglia Tramonti.
Bonjour,
Donc votre deuxième rando dans les Cinque Terre. La troisième est-elle programmée ? Quand on aime… N’auriez-vous pas eu de la chance avec l’état du ciel en cette saison ? En tout cas votre expérience nous donne des idées Merci!
Bonjour Michel,
Non, c’était bien notre première randonnée dans les Cinque Terre. Mais comme nous avons du retard sur l’écriture des articles, tu as peut-être vu passer quelques photos sur notre page Facebook l’année dernière ?
En effet, le mois de novembre est pluvieux en Ligurie, c’est un problème. Mais en surveillant les prévisions météo nous avons pu trouver une fenêtre de deux jours. La fin de l’hiver est réputée plus ensoleillée, pour ceux qui se posent la question !