Il y a quelques années, nous faisions connaissance avec le lac de Shkodër en Albanie. Au Monténégro, nous le redécouvrons sous un angle totalement nouveau et un nom légèrement différent : le lac Skadar. De ce côté-ci, le lac et ses rives sont protégés par un vaste parc naturel, méritant à notre humble avis une visite.
Mais avant tout, sachez que le pélican, fortement menacé par la compétition humaine, a fait du lac Skadar l’un de ses tout derniers refuges en Europe. En son honneur, nous avons décidé de nous dessiner avec des têtes de pélicans.
Armés de notre plus belle plume, nous allons maintenant vous présenter le lac Skadar et ses environs.
Virpazar, le village : porte d’entrée du parc national
Virpazar n’est pas Virpazar par hasard. Son nom provient de « bazar », car se tenait ici le plus grand marché du Monténégro. Les acheteurs et vendeurs d’antan ont laissé place aux touristes, qui déboulent le jour et repartent à Budva ou Kotor en soirée.
Le village ne présente pas vraiment d’intérêt. Un pont, une statue sur un rocher, une place centrale sous des arbres épais et puis… voilà. Nous faisons néanmoins le choix de nicher trois nuits à Virpazar, le temps de… bah de… prendre le temps !
Après avoir visité trois fois chacun des quatre coins du patelin, une question reste en suspens. Mais où est ce fameux lac de Skadar ? Sur la carte, il frôle Virpazar, or nous ne repérons qu’un brin de rivière et une dense végétation qui s’étale jusqu’aux sommets des montagnes.
Pour répondre au mystère, nous grimpons à la forteresse de Besac qui surplombe le village. Ah ! Un début de coude du lac se tapit au loin ! Et entre lui et nous, de grands champs.
Oh attendez ! Ce ne sont pas du tout des champs. Ce sont des roseaux bien serrés. Skadar dupe les touristes et ça le fait bien marais.
Faire des ronds dans l’eau sur le lac de Skadar
Une première excursion vers le nord
Puisque le lac ne se laisse pas approcher, l’activité archi-principale à Virpazar consiste à le découvrir par les flots. Rien de plus simple, les bateaux sont partout et les capitaines prêts à décoller à votre signal. La concurrence est même féroce, entre les kiosques qui alpaguent ouvertement les passants et les boutiques qui tentent sournoisement de se faire passer pour l’office de tourisme officiel.
Les prix étant rarement indiqués, certains filous tentent de nous plumer. Nous nous éloignons et nous organisons avec une autre agence en compagnie d’autres touristes, avec lesquels nous tombons d’accord sur une durée : deux heures, et une destination : le nord.
Nous commençons par suivre un canal qui effleure les roseaux, puis alternons entre colonies de nénuphars et zones dégagées, contournons deux îles, longeons un bout de côte et rentrons. Notre sentiment majoritaire est : « Comme c’est paisible ! ».
Côté volatiles, nous croisons de nombreux collègues dont des poules d’eau, cormorans, grèbes huppés, canards, hirondelles ainsi que nos cousines les bécassines. Nous repérons même une couleuvre qui ondoie à la surface de l’eau.
En revanche, aucune trace de pélicans. Mais à force de plisser les yeux tous azimuts, nous remarquons… mais oui ! Il reste de la neige sur les sommets de nos chères Alpes albanaises !
Un deuxième tour vers le sud
Le lendemain, bonne surprise, notre hôte Andjela nous invite sur un nouveau tour de bateau. Elle organise des balades de groupes et il reste une petite place pour nous. Cela nous permettra de faire connaissance avec le sud du lac et de réviser au passage notre allemand, puisque nous avons à faire à un groupe de retraités germaniques.
De ce côté-ci, le lac est moins nénuphareux et les oiseaux se font plus rares, mais les vues sont tout de même superbes. Nous passons notamment près d’une ancienne île prison inviolable surnommée l’Alcatraz monténégrin. Ne sortaient que ceux qui parvenaient à prononcer son nom : Grmožur.
Le navire accoste près d’une petite plage où la famille d’Andjela a préparé un buffet de spécialités locales.
Nos espoirs de rencontrer des pélicans commencent à s’envoler, lorsque nous apercevons trois frérots coup sur coup ! D’abord deux silhouettes dans les airs, reconnaissables à leur envergure égale à celle du Grand Condor. Puis un troisième plus proche, que nous dérangeons dans sa baignoire.
Un dernier point de vue sur le lac de Skadar
Pour notre dernier jour, la pluie est à deux doigts de s’échapper des nuages bas. Qu’à cela ne tienne, au lieu d’une grande boucle à pied jusqu’à Godinje comme envisagé, nous visons ce point de vue à trente petites minutes via un sentier repéré sur Maps.me.
En guise de récompense, une vue à clouer le bec sur le village, le lac et les vertes montagnes alentour, broutées par des nuages qui remontent ou redescendent.
Nous ressentons ici une légère frustration en tant que piétons. La route qui dessert notre belvédère se prolonge jusqu’au « horseshoe bend du Monténégro », en référence au célèbre point de vue sur le fleuve Colorado. Mais c’est beaucoup trop loin sans voiture !
Une légère pluie finit par s’inviter et fait surgir d’énormes escargots avec une coquille d’au moins cinq centimètres. Nous en restons becs bés. Pour les curieux, ils portent le petit nom d’escargots turcs.
Notre avis sur le lac Skadar et Virpazar
Il faut voir Virpazar comme une mise au vert vraiment très verte. Clairement, ne venez pas à la recherche d’action, vous serez déçus. En revanche, le paysage végétal plaira aux amoureux de nature, les balades sur l’eau fascineront les amateurs d’ornithologie et l’ensemble donnera à tous le sentiment d’une oasis de tranquillité.
Conseils pratiques pour visiter Virpazar et le lac Skadar
Arriver à Virpazar depuis Cetinje
Il n’existe pas de bus direct entre Cetinje et Virpazar. Le plus simple est de faire un changement dans la capitale Podgorica. Comptez 3€ et 45 minutes pour la première partie du trajet, puis 3€ et 35 minutes pour la seconde. Il est préférable de réserver (sur busticket4.me) car ce sont de tout petits bus vite pleins.
Se loger à Virpazar
Nous avons réservé un petit studio chez Apartment Vukasevic (~37€)i , tout simple mais très bien, avec vue sur la placette principale depuis le balcon. La mère et sa fille sont adorables comme tout, elles nous ont accueillis avec une tarte aux pommes puis nous ont offert un tour en bateau.
Manger à Virpazar
Nous n’avons pas eu de coup de cœur parmi les quelques restaurants du village. Konoba Demidžana est pas mal pour un verre et des frites. Évitez fortement le restaurant Pelikan, malgré les excellents avis, car ils sont quasiment tous faux. Nous avons au final surtout cuisiné dans notre studio, avec l’aide d’une supérette bien achalandée.
Faire un tour en bateau sur le lac de Skadar
Ne vous tracassez pas à l’avance, vous trouverez sur place. Les tarifs après négociation sont environ de 30-35€ de l’heure pour un bateau et son capitaine. Ajoutez 5€ par personne de droit d’entrée du parc naturel (valable plusieurs jours). Nous avons choisi la petite agence Kingfisher et avons négocié le prix à 10€ par tête pour un tour de 2h avec une poignée d’autres touristes. Évitez juste l’agence Pelikan (associée au restaurant tricheur), ses rabatteurs entourloupeurs sautent sur chaque touriste à l’entrée du village. Si et seulement si vous n’êtes pas à l’aise avec la négociation, il est possible de réserver en lignei.
Le lac Skadar est si grand qu’il ne se visite jamais en entier. La majorité des tours en bateau partent alors vers le nord, la plus belle partie. Concernant la durée, les tours d’1h traversent la sympathique zone marécageuse du début, puis dépassent le pont de la route M2 et reviennent. Les tours de 2h s’enfoncent davantage dans les roseaux, traversent des zones de nénuphars, avant de contourner deux petites îles et rentrer. Quant aux tours de 4h, ils proposent de remonter un bout de la rivière Crnojevića réputée très belle.
Idée de randonnée
Le dernier jour, nous comptions randonner jusqu’à Godinje, mais la météo nous a refroidis. Avec du recul, nous aurions pu être plus malins. Si vous logez comme nous dans l’un des appartements d’Andjela et qu’elle vous propose la balade en bateau, alors profitez de la course à l’aller, prenez un coup de raki au buffet pour vous donner du courage et rentrez à pied. La première partie semble facile jusqu’à Godinje (2,7km). La seconde partie peut se faire soit par la route (3,8km), soit par les hauteurs (7,5km). Voici des traces GPS pour vous inspirer : Godinje / route / hauteurs.