Dans le précédent épisode, Steve retrouvait Samantha, qui n’avait plus d’yeux que pour Jimmy, or Jimmy… euh… attendez, ce ne sont pas les bonnes notes. Dallas… Santa Barbara… Ah, voilà notre dossier Argentine 2020. Reprenons. Donc après un mois de visites à Buenos Aires, nous grimpons à bord d’un bus et plongeons vers notre première étape dans le grand sud : Puerto Madryn.
Vingt heures de bus pour traverser moins d’un tiers de la longueur de l’Argentine, c’est ahurissant, mais ça ne met pas pour autant le dos en compote, car les bus argentins sont parmi les plus confortables du monde.
Du côté des paysages, en revanche, nous frisons l’overdose de monotonie.
Puerto Madryn, notre base pour quelques jours sur la côte Est
C’est officiel, nous arrivons en Patagonie ! Une terre de légendes qui tire justement son nom de l’une d’elles. Magellan, en traversant son fameux détroit, aurait aperçu sur les berges des tribus d’immenses humains et leur aurait attribué un nom de géant pioché dans un roman de l’époque, Patagon.
Depuis, les experts s’accordent à dire que l’explorateur devait avoir les yeux un peu fatigués, puisqu’il ne reste pas une trace de ces colosses.
À l’approche de Puerto Madryn, une banlieue d’usines et de gros tuyaux nous souhaite la bienvenue. La Patagonie est si peu peuplée qu’il n’est pas rare de voir des villes fondées autour de l’exploitation d’une ressource naturelle, ici l’aluminium. Le reste du paysage ressemble à un désert de broussailles asséchées.
Waouh, ce début de description fait rêver, n’est-ce pas ? Rassurez-vous, chers amoureux de nature, la suite de l’article vous réconciliera avec Puerto Madryn.
En nous promenant, nous découvrons un bord de mer très vivant. Les grandes vacances d’été se terminent dans quelques jours. Les Argentins profitent de leurs dernières glaces et dernières vagues, sans oublier leurs chaises longues et leur maté. Nous nous imaginions affronter un vent glacial à peine le pied posé en Patagonie, nous voilà rassurés.
Allez, ne tardons pas, des bancs de sable loin de la ville nous attendent ! Là-bas, point de chalands en maillots, mais de nonchalants animaux.
Punta Tombo et sa colonie de manchots
Nous récupérons notre voiture de location et roulons, roulons, roulons.
Notre objectif du jour est une réserve naturelle nommée Punta Tombo, réputée pour abriter la plus grande colonie de manchots de Magellan au monde. À la sortie de la voiture, un petit « pichi » (tatou velu de Patagonie) nous accueille et c’est à peine s’il s’éloigne de nous. Soit il est myope, soit il n’est pas du tout peureux.
Nous laissons le pitchoune et nous engageons sur un sentier piéton qui slalome vers la pointe. Un panneau « cédez le passage » nous laisse perplexes.
Dites-donc, c’est dangereux par ici. Ces piafs peuvent nous caramboler au premier carrefour venu. C’est alors qu’une petite voix de canard s’élève sous la surface du sol.
Nous bondissons en arrière. Fichtre, un pingouin dans un terrier !
Oh et puis là. Et là.
Partout dans le paysage, les buissons cachent des nids creusés sous terre. Ils sont tantôt vides, tantôt occupés par un pingouin qui roupille. L’un d’eux bondit :
Oups, pardon Monsieur le Manchot. Effectivement, en langue française le pingouin est une espèce vivant dans l’hémisphère nord. Ici dans le sud, c’est le manchot qui règne. Autre différence, le pingouin sait voler, contrairement au manchot.
Nous nous accoutumons rapidement à leur présence. Ils ne sont pas méchants, juste très têtes en l’air. Les consignes recommandent de ne pas trop s’approcher, sous peine de s’attirer, paraît-il, des coups de bec.
Les manchots semblent passer la majorité de leur temps à dormir, mais ils ouvrent parfois un œil, se lèvent, se trémoussent, se bectent les plumes, puis retournent se coucher, exténués par tant d’efforts.
Des olibrius comme cela, la Punta Tombo en compterait près d’un million. Imaginez le gruyère dans le sol ! Pour nous aider à rester debout, la réserve a créé un chemin qui serpente au milieu des pièges. Des passerelles sont même façonnées par endroits, afin de laisser les petits bonshommes passer dessous.
Nous apprenons que l’une des particularités du manchot est de rester fidèle toute sa vie. C’est l’humour qui cimente le couple, mais un humour un peu particulier, si vous voulez notre avis.
Cela n’empêche pas, hélas, quelques prises de becs.
Nous arrivons quelques mois trop tard pour voir le résultat de cet amour éclore. Mais nous reconnaissons les jeunes adolescents à leur duvet sur le menton et au fait qu’ils traînent en pantoufle entre la console et la porte du frigo.
Plus nous approchons de la mer, plus les manchots sont nombreux. Nous ne nous lassons pas d’observer ces petits êtres étranges.
La promenade se termine par une vue sur la plage en contrebas. Les manchots prennent le soleil, certains se baignent, jouent avec les vagues, d’autres filent vers le large à une vitesse ahurissante.
Sur le chemin du retour, nous admirons pour la première fois des guanacos de près. Ces ancêtres sauvages du lama domestiqué semblent un peu aristos sur les bords, avec leur démarche élégante et leurs manteaux de soyeuse fourrure.
Ces animaux sont bien plus craintifs que les manchots. Ils nous surveillent du coin de l’œil, prêts à galoper au moindre geste brusque.
Plus loin, nous croisons une autruche. Alors ça, nous ne nous y attendions pas ! Concrètement, la demoiselle n’est pas tout à fait une autruche, puisque cette espèce est africaine, mais elle en est très proche physiquement. Son nom est le nandou, spécialiste du slalom à haute vitesse entre les arbustes de la pampa.
En conclusion, malgré la longue route depuis Puerto Madryn, ce parc est une très belle expérience. Impossible de se lasser du spectacle des manchots patauds. De plus tout est bien géré, avec des cordelettes partout et des règles édictées pour ne pas déranger les animaux.
Conseils pratiques pour explorer Punta Tombo
Venir à Punta Tombo
Comptez 188km et 2h30 (!) depuis Puerto Madryn en voiture de location. Toute la première partie se fait sur une bonne route goudronnée, mais les 20 derniers kilomètres nécessitent à eux seuls 35 minutes sur piste.
L’entrée du parc
Une fois au bout de la piste, il faut d’abord acheter ses billets près du restaurant (~8€). Profitez-en pour entrer dans le musée, qui présente les espèces animales sous forme de statues. C’est intéressant et ça ne prend que dix minutes. Puis il faut refaire un petit kilomètre pour se garer au départ du sentier.
Attention aux lâchers de croisiéristes. Ils débarquent par lots de mille et peuvent quelque peu gâcher l’expérience. Nous en avons fait l’expérience en fin de visite. Si vous tombez pendant l’un de ces raz-de-marée, patientez une trentaine de minutes dans un coin, ils font un petit tour et repartent aussi sec.
La saison
Les manchots ne vivent pas ici toute l’année. Ils commencent à arriver progressivement en septembre, puis disparaissent au mois d’avril. Lors de notre visite en février, une partie d’entre eux semblait déjà repartie.
Gaiman : reçus comme des princes de Galles
Avant de rentrer à Puerto Madryn, nous entreprenons un petit détour pour faire halte en Pays de Galles. Aussi étonnant que cela puisse paraître, dans cette région sèche comme un bout de Lune, un oasis de verdure s’est formé sur les rives de l’étroit fleuve Chubut.
Ce qui nous intrigue encore davantage, c’est que cette zone est réputée être un mini Pays de Galles. Il y a cent cinquante ans, des colons débarquaient droit de Cardiff sur ces terres inoccupées, dans l’idée de sauver leur langue et leurs coutumes de la domination britannique. Ils sont fous ces Gallois.
Le projet n’a pas complètement fonctionné, puisque l’espagnol a fini par s’imposer, mais l’ambiance est indéniablement plus galloise qu’ailleurs : des façades anciennes, des murs de briques et… des salons de thé partout !
À 17h pile, nous poussons la porte du plus connu d’entre eux, le Ty Gwyn. Un intérieur vieillot, de la belle vaisselle et d’anciennes photos sur les murs, pas de doutes, ils cultivent la tradition. Et les Argentins en raffolent, toutes les autres tables sont déjà réservées.
Une serveuse en tablier à fleurs nous suggère un goûter completo. Nous aurions dû nous en douter, les assiettes qu’elle dépose sur la table sont beaucoup trop copieuses avec des toasts beurrés, des scones et une douzaine de parts de gâteau, et pas des plus légers. Demandez un medio servicio de té, ce sera amplement suffisant !
Nous repérons dans les rues quelques hommes à béret. Figurez-vous que cette tradition provient de la diaspora basque, mais c’est une autre histoire.
Avec un peu plus de temps, nous serions également allés jeter un coup d’œil à Dolavon, le village suivant.
Les mammifères marins/marrants de la péninsule de Valdés
Le lendemain, c’est reparti pour une longue journée de route. Nous prenons la direction du nord cette fois-ci, pour faire connaissance avec la péninsule de Valdés, qui sert de résidence secondaire à toute une clique d’animaux marins saisonniers. Selon les mois, les espèces alternent, se croisent, se font des petits coucous ou se grignotent entre amis.
Au centre d’accueil des visiteurs, des rangers se rendent disponibles pour nous accueillir et nous recommander un circuit idéal selon la marée, les animaux présents et l’état des pistes. Car voilà bien le hic de cette péninsule : elle est immense et non bitumée. Tant mieux pour la nature, hélas pour nous et notre simple voiture de route.
En chemin, quelques guanacos nous saluent déjà.
Nous commençons la visite en nous dégourdissant les jambes à la Caleta Valdés (caleta = crique), où vit une mignonne petite colonie de manchots de Magellan. Ils sont toujours aussi choux, mais l’un deux, probablement un psychopathe, nous regarde de travers.
Face à un arrière-plan d’un bleu incroyable, les zoziaux nous offrent leur plus beau profil.
Nous repassons sur la pointe des pieds devant le psychopathe, toujours bloqué, et poursuivons vers le belvédère suivant.
Punta Cantor s’avère être un resort pour éléphants de mer. Nous nous attendions à des mastodontes faits de muscles puissants. Ce sont… des limaces. Et encore, les limaces se déplacent, mais les éléphants marins, rarement.
Nous restons quelque temps, dans l’espoir d’apercevoir une once d’action, une baignade, une partie de badminton. Mais non, rien.
Après les éléphants, nous reprenons la piste (de cirque) pour aller applaudir les lions, à Punta Norte. Plusieurs troupeaux se tiennent à distance les uns des autres sur la plage.
Eux aussi sont étalés comme des larves, mais moins mollassonnement que les éléphants. Surtout, ils font un vacarme abominable, mélange douteux de rots humains et de lamentations de chèvres. Les plus actifs sont les lionceaux, de couleur foncée, dont beaucoup jouent dans l’eau. Nous sommes scotchés par le spectacle.
Le plus étrange est qu’ils restent collés, mais se cherchent des noises en permanence comme s’ils se détestaient. Régulièrement l’un d’eux se lève, marche sur son voisin assoupi, éternue sur un autre, mord un troisième, puis s’étale de tout son long sur un quatrième.
Parfois une victime se relève en prenant des airs de gros bagarreur, avant de se rappeler qu’il préfère dormir. Et plaf, il s’étale à son tour.
Un animal manque à l’appel. Nous sommes encore en saison d’observation des orques et postés à l’un des meilleurs spots. Pourtant, pas le moindre aileron à l’horizon. Un panneau indiquant la date de leur dernière apparition nous permet de relativiser : cinq jours plus tôt.
Nous apprenons au passage que les orques affectionnent tout particulièrement la Punta Norte car elle leur permet de… croquer les lionceaux qui jouent dans l’eau. Gloups.
Les baleines franches aiment elles aussi passer du temps sur la côte argentine, mais la saison s’arrête en décembre.
Obnubilés par les animaux marins, nous en oublions les terrestres. Nous avons ainsi aperçu des tatous, des maras, des renards gris et des tinamous. Sans oublier les éternels guanacos.
Figurez-vous qu’à force d’être secouée par l’état de la piste, notre voiture tombe en panne sur le chemin du retour ! Plus moyen d’avancer. Nous sommes à cinquante kilomètres du village le plus proche et nos portables refusent de capter. Les guanacos se marrent…
Nous mettons tous nos espoirs dans le passage d’une éventuelle dernière voiture avant le coucher du soleil et, miracle, elle apparaît ! Un couple de retraités argentins s’arrête et, deuxième miracle, a une corde dans le coffre. Hélas au bout de cinq minutes… crac, la corde cède.
L’homme trifouille sous le capot, puis s’illumine. Il trouve une pince, se dirige vers une clôture, en coupe un morceau et s’en sert pour renouer un fil débranché. Le moteur repart, ainsi que notre héros avec un petit clin d’œil : « Yo soy MacGyver ! » (je suis MacGyver).
Conseils pratiques pour visiter la péninsule de Valdés
Distances
Depuis Puerto Madryn, comptez déjà une heure de route et 75km jusqu’à l’entrée de la réserve. Ensuite, les distances restent grandes mais la route se transforme en piste agrémentée de tôle ondulée et de flaques de boue. Il est alors déconseillé de dépasser les 60km/h sous peine de finir dans le décor. Nous avons roulé ainsi plus de 200km et… c’est crevant.
Si c’était à refaire, nous zapperions probablement les éléphants de mer (trop barbants) et les manchots (vus la veille à Punta Tombo) de Punta Cantor afin de raccourcir la journée. Mais encore une fois, tout dépend de la saison et de la présence ou de l’absence des animaux.
Prix d’entrée de la péninsule de Valdés
Comptez environ 12€ par personne, plus 2€ pour la voiture.
Choisir entre la péninsule de Valdés et Punta Tombo
Vous n’avez pas le temps de visiter les deux réserves ? Nous avons une petite préférence pour Punta Tombo. D’une part le trajet en voiture est moins fatigant, et d’autre part il y a plus d’interaction avec les pingouins tout proches. Valdés a toutefois ses avantages : plus d’espèces à observer, dont quelques manchots comme à Punta Tombo, et moins de visiteurs.
Conseils pratiques sur Puerto Madryn
Bus entre Buenos Aires et Puerto Madryn
Nous avons emprunté un bus de la compagnie Via Bariloche, probablement la plus pro de toutes celles que nous avons testées en Argentine. Nous achetions habituellement nos billets sur Busbud, or cette ligne n’y est par répertoriée. Nous nous sommes rabattus sur le site busplus.com.ar. Comptez environ 65€ par personne en classe ejecutivo et officiellement 18h de trajet, dans les faits plutôt 20h.
Louer une voiture à Puerto Madryn
Les voitures de location sont difficiles à trouver en haute saison. Nous avons réservé la nôtre à l’agence Fugu Tours et ne la recommandons pas vraiment. Le gérant est sympa, mais la voiture qu’il nous a louée était bien mal entretenue. Tarif pour deux jours : environ 110€.
Dormir à Puerto Madryn
Comme les Argentins apprécient Puerto Madryn pour leurs vacances estivales, beaucoup de logements étaient déjà réservés. Tentez de vous y prendre tôt. Nous avons trouvé notre bonheur dans un hôtel classe, confortable et situé en plein centre, l’Hôtel Tolosa (~50€ la chambre double, plus d’info ici)i. Tout y était parfait, en particulier le redoutable buffet du petit déjeuner.
Hum ! N’avez rien senti ou perdu l’odorat? Après les pâtisseries galloise çà sature un peu
Elles ont le même effet que le Covid, elles font perdre l’odorat ?
Non, ça va, nous sommes sortis indemnes du salon de thé !
Merci, vos dessins et commentaires nous ont fait pleurer de rire! Continuez, on aime vous lire. Amitiés de la laguna de Bacalar – Capitaine et maître Coq
La chance ! Donc c’est bon, vous avez pu quitter les Canaries et traverser l’océan. Profitez bien alors !
Merci ! On profite, en effet. On laissera nos commentaires sur votre page Mexique dès qu’on aura le temps (là c’est boulot-boulot..). Courage si vous êtes en France, on vous souhaite de pouvoir bientôt vous promener (et nous raconter !)
Un article qui mérite la palme de l’humour !
Quel jeu de mot ! On applaudit de nos quatre nageoires !
Haha vous m’avez bien fait rire avec vos bandes dessinées ! Et aussi rappelé de beaux souvenirs, d’il y a 13 mois ! Nous avons fait le trajet inverse, de Puerto Madryn, nous sommes allés à Buenos Aires. En effet la route n’est pas très passionnante. Mais c’était fou de voir ce même paysage pendant tant de temps ! Si mes souvenirs sont bons c’est également sur cette route que notre bus a eu un soucis et nous avons été bloqués de loooongues heures. Comme si ce n’était pas assez long ! x)
Salut les Boubous !
Merci, on s’est bien amusés à les faire 😄 Et puis ils sont tellement choux, ça nous a aussi rappelé d’excellents souvenirs. Ça donne envie de vivre près de chez eux pour leur rendre souvent visite. On attend de lire votre article maintenant 🙂
Ah ça c’est la poisse, la panne sur un trajet aussi long. Ils doivent avoir du mal à trouver des dépanneurs quand ils sont au beau milieu de l’infinie pampa ! On a eu une panne sur un autre trajet, heureusement en sortie de la ville.
Oui c’était au milieu de nulle part, alors on a attendu quelques heures qu’un autre bus nous récupère haha J’avoue que l’Amérique du Sud m’a appris à être plus patiente ! Les gens ne s’énervent jamais quand il y a un problème imprévu ^^
Coucou tous les 2, Je suis super mais alors super à la bourre en ce qui concerne mes lectures…J’ai un peu la tête sous l’eau en ce moment!
Question tôle ondulée on a testé en Australie . Sans commentaire!!!
Par contre impressionnant le nombre de bestioles au mètre carré sur cette péninsule… Les Guanacos sont très élègants, je crois que ce sont mes préférés.
A très vite
Virginie
Coucou ! Nous aussi on décerne le prix de l’élégance aux guanacos. Ça tombe bien, c’est eux qu’on a croisés le plus souvent en Patagonie. Courage pour sortir la tête de l’eau !