Pour nos dernières étapes en Arménie, nous partons découvrir deux villes au nord du pays. D’abord Dilijan qui borde un parc national, puis Alaverdi nichée au fond d’un canyon. Au programme : des monastères, des randonnées et… de la neige !
Après une soirée et une nuit pluvieuses, nous quittons la capitale Erevan en marshrutka. Surprise, toutes les collines sont blanches ! Au-delà d’une certaine altitude, les gouttes d’eau ont laissé la place aux flocons de neige et, puisque l’Arménie entière est située en altitude, nous découvrons un horizon tout blanc.
En route, la neige confère un tout autre charme aux terres arides. Elle rend presque élégantes les carcasses rouillées qui parsèment la campagne et elle sublime le bleu profond du lac Sevan aperçu fugacement.
À la station service, le chauffeur demande à tous les passagers du bus de descendre. Simple mesure de sécurité, car le moteur roule au gaz naturel. Une énergie moins polluante sur laquelle l’Arménie est à la pointe… par économie. Il suffit d’adapter un véhicule existant et de cacher une bonbonne dans son coffre pour diviser par trois le prix du kilomètre. Nous comprenons enfin pourquoi les tarifs des marshrutkas sont si bon marché !
Dilijan, la (plus ou moins) Suisse arménienne
Une fois à Dilijan, la neige a quasiment disparu. Elle se tapit haut, très haut sur les montagnes qui encerclent la bourgade. Il va falloir trouver un moyen d’aller la voir de plus près !
En ville, nous retrouvons le rythme particulièrement détendu déjà découvert dans le sud du pays à Eghegnadzor ou Goris, accompagné par le chant de la rivière, le sifflement des oiseaux et le ronronnement des vieilles Lada.
La ville est organisée autour d’un rond-point, LE rond-point qui nous servira de repère durant deux jours. D’un côté, la vieille ville étale d’innombrables maisonnettes, dont certaines faisaient office de villégiatures estivales aux riches Arméniens. Il reste d’ailleurs par endroits quelques traces de cette époque faste.
De l’autre côté du rond-point, la ville prend des airs plus soviétiques avec des rues bien droites et des barres d’immeubles bien rectangulaires.
Non loin de notre maison d’hôtes, nous repérons deux cabanes de fortune. À l’intérieur, les hommes du quartier jouent au backgammon tout l’après-midi et jusque tard dans la nuit, avec une rallonge pour assurer l’éclairage. Ce jeu est décidément la passion absolue des papis arméniens.
Nous décidons de rejoindre le monastère d’Haghartsin, situé une dizaine de kilomètres plus loin. Le Lonely Planet préconise d’attendre une marshrutka au fameux rond-point, hélas pas une ne passe.
Nous finissons par remarquer un minibus arrêté un peu plus loin. C’est un groupe de collègues arméniennes un peu pompettes qui se rendent justement au monastère. Prendre en stop deux touristes les amuse visiblement beaucoup. « Bonjour mon amour » lance l’une d’elles en français, déclenchant un fou rire général, avant de se remettre à chanter.
Sans être experts des monastères arméniens, nous trouvons que celui d’Haghartsin a exactement la même forme que toute la collection visitée auparavant. Il a en revanche la bonne idée d’avoir élu domicile au cœur d’une belle forêt aux couleurs d’automne, celle du parc national de Dilijan.
Pour le sport et pour profiter encore de la forêt, nous redescendons à pied les six kilomètres qui mènent à la route principale.
Les pouces levés, nous trouvons rapidement un véhicule pour nous ramener à Dilijan : un camion chargé de foin dont nous escaladons la motte.
Non, la vérité est moins pittoresque, c’est une voiture tout à fait classique qui s’arrête.
Le lendemain, nous nous levons tôt et sortons bien emmitouflés. Alors que la température est passée sous zéro pendant la nuit, nous partons randonner sur les collines du parc national.
Nous nous élançons en suivant une carte, puis réalisons rapidement que nous pouvons improviser sans risque. Alors nous choisissons une colline d’une taille raisonnable et grimpons. Les feuilles des arbres sont orange, nous sommes seuls dans un environnement infiniment paisible et le soleil commence à nous réchauffer le dos… que demander de plus ?
Vers le dernier quart de notre randonnée, la neige apparaît autour de nous. D’abord timidement dans les recoins ombragés, puis elle recouvre bientôt tout le paysage. Zut, nous avons oublié notre luge !
Après 800m de dénivelé, nous atteignons notre colline. La vue est imprenable sur toute la vallée. Nous commençons un peu mieux à comprendre pourquoi certains surnomment Dilijan « la Suisse arménienne ».
Après le pique-nique de rigueur, nous redégringolons la pente et découvrons qu’un sentier de randonnée balisé trace un chemin encore plus direct que notre montée au pifomètre.
Au total, nous sommes partis sept heures, mais il semble facile de trouver des circuits plus courts ou plus longs adaptés à tous les randonneurs sur ce même pan de vallée. Sans compter l’autre pan, qui fait lui aussi partie du parc national. L’office du tourisme développe actuellement des sentiers balisés et nous ne serions pas étonnés d’apprendre dans quelques années que Dilijan est devenu un haut lieu de la randonnée en Arménie.
Le lendemain, nous quittons notre guesthouse avec un cadeau : un aimant pour frigidaire arborant le monastère d’Haghartsin. C’est notre deuxième cadeau de ce type, le premier étant un lot de sous-verres. Les refuser serait malpoli, mais nous savons qu’il faudra nous en séparer avant d’entrer en Azerbaïdjan car la douane interdit formellement l’introduction de tout objet arménien, même les plus inoffensifs des cadeaux !
Conseils pratiques pour visiter Dilijan
Transport entre Erevan et Dilijan
Nous sommes montés dans une marshrutka à la station de bus Avtokayaran, parfois appelée Northern Station. Les marshrutkas partent à l’heure pile, de 9h à 18h. Prix 1000 drams, durée 1h30.
Dormir à Dilijan
Nous avons joué la carte de l’économie en dormant à la Green Garden Guesthouse (~12€)i, gérée sérieusement par une femme sympathique. Le rapport qualité/prix est correct, cependant la salle de bain partagée est minuscule et peu pratique. Si votre budget le permet, les options plus confortables ne manquent pas à Dilijan : voir l’ensemble des hôtels et guesthouses sur Bookingi.
Manger à Dilijan
Le Cafe#2 est sans conteste le meilleur restaurant/café/bar de la ville. Un bel endroit qui sert des plats simples mais réconfortants. Le service est assuré par des jeunes du coin en insertion professionnelle.
Randonner dans le parc national de Dilijan
En cherchant une idée de randonnée réalisable depuis Dilijan sans prendre de taxi, nous sommes tombés sur celle-ci (descendez jusqu’à la randonnée intitulée « Walk 2 – Dilijan Loop »). Finalement, nous n’avons pas suivi ce circuit et avons réalisé plus ou moins cet aller-retour. Au-dessus de l’usine de bière, trouvez le point de départ des randonnées, agrémenté d’un grand panneau. Suivez le chemin principal pendant environ 150m, jusqu’au panneau qui indique Skywalk Trail et Transcaucasian Trail. Ne suivez ni l’un ni l’autre, montez et repérez un chemin qui part entre les arbres vers la droite.
Voilà, vous pouvez suivre ce chemin jusqu’à notre aire de pique-nique improvisée, voire plus haut si vous êtes en forme. N’ayez pas trop peur de vous perdre, plusieurs chemins se croisent et se recroisent.
Alaverdi : monastères et mine austère
La dernière étape de notre séjour en Arménie répond au doux nom d’Alaverdi. Elle se situe au fond d’un superbe canyon, à quelques lacets seulement de la frontière avec la Géorgie.
Derrière son joli nom, Alaverdi cache un passé peu glamour, celui de ville minière. Les Soviétiques découvrirent un gisement de cuivre et ne tergiversèrent pas bien longtemps sur les conséquences pour le paysage. Ils lancèrent leur phénoménale machine productiviste à l’assaut de la montagne et en profitèrent pour bâtir à côté une fonderie de taille XXL.
Il y a deux ans, notre estimé collègue blogueur One Chaï respirait les volutes issues de la cheminée géante. Or, huit jours seulement avant notre arrivée, une haute autorité décidait de fermer l’usine, incapable de s’adapter aux nouvelles normes environnementales. Les six cents derniers employés attendent inquiets d’être fixés sur leur sort.
L’autre partie de la ville semble également figée depuis le démantèlement de l’URSS. Des barres d’immeubles sans la moindre fioriture s’empilent sur le flanc de la colline, les tuyaux de gaz se contorsionnent pour traverser les rues sans gêner la circulation et les bâtiments désaffectés affichent encore de grosses lettres russes. Le monde extérieur tourne trop vite, Alaverdi ne parvient pas à suivre.
La météo est de notre côté. Sous la grisaille, nous aurions probablement déprimé. Sous ce doux soleil automnal, nous trouvons Alaverdi presque séduisante.
Chaque jour, un petit marché s’installe près de notre maison d’hôtes. Un vendeur nous salue en bon français. Une mamie en bon arménien. Chacun avec un grand sourire et une belle envie de partager. Nous sentons qu’ils ne croisent pas des ribambelles de touristes.
Encore une fois, car c’est ainsi depuis le début de notre voyage dans le Caucase, nous remarquons que les marchands de fruits et légumes vendent également des balais. Mais pourquoi cette alliance ?
Mais ne nous attardons pas plus longtemps à Alaverdi. Nous sommes surtout venus rendre visite à deux derniers monastères arméniens réputés : Sanahin et Haghpat. Ceux-ci se nichent sur les collines qui surplombent le canyon du Debed, à trois petites heures de randonnée l’un de l’autre. Et lorsqu’une marche est possible, nul besoin de nous le dire deux fois.
L’aventure commence avec probablement le bus plus déglingué que nous ayons eu l’occasion d’emprunter. Plus rien ne tient, tout vibre, les sièges sont un véritable gruyère, mais contre toute attente le moteur parvient à nous hisser jusqu’à Sanahin, en haut de la colline (départs fréquents depuis la station de bus principale, prix 100 drams, durée 10 minutes).
Puis, en une douzaine de minutes, nos pieds nous mènent jusqu’au monastère de Sanahin. Un sombre monastère, tenant debout tant bien que mal et au sol jonché de tant de tombes qu’il est impossible de ne pas poser le pied dessus.
L’ambiance est ténébreuse, assez intrigante. Nous ne parvenons pas à trouver le levier qui ouvre une trappe oubliée, mais nous sommes à peu près certains qu’Indiana Jones dénicherait ici quelques reliques au puissant pouvoir magique.
Nous démarrons ensuite la randonnée à proprement parler vers le second monastère. C’est parti pour une dizaine de kilomètres dans la campagne. Au programme : quelques vues, des vaches, chevaux, cochons, poules et, bien entendu, des carcasses rouillées pour rappeler que nous sommes en Arménie.
Nous suivons cet itinéraire, en zappant le détour de 2km vers la forteresse. Notez qu’il existe une descente raide déjà très glissante par temps sec, qui doit s’avérer encore plus difficile s’il a plu.
Nous marchons l’essentiel du temps sur un chemin que nous partageons avec les voitures. Elles sont relativement peu nombreuses et elles nous saluent avec tout l’enthousiasme du monde, mais tout de même, nous préférons les randonnées sans moteurs.
Le monastère d’Haghpat est plutôt charmant et bien entretenu. Pour ne rien gâcher, il trône au centre du village sur un promontoire, offrant une vue plongeante sur les paysages alentour. Voilà qui achève en beauté notre longue tournée des monastères arméniens !
Pour le retour en bus vers Alaverdi, nous conseillons de bien garder les horaires en tête car les départs se font rares : l’après-midi, c’est soit 15h, soit 17h. Prix 200 drams, durée 20 minutes.
Notre avis sur Dilijan et Alaverdi
Ces deux dernières étapes en Arménie s’avèrent encore une fois douces, agréables et sans le moindre accroc. Rien de spectaculaire à se mettre sous la dent, mais de belles occasions de respirer l’air pur des collines, loin de l’agitation du monde et proches des Arméniens.
Et la suite ?
Vous l’avez deviné, nous retournons en Géorgie. Pas pour du tourisme cette fois-ci, mais pour atteindre l’Azerbaïdjan. La frontière directe avec l’Arménie étant infranchissable pour cause de mésentente profonde entre les deux pays, nous repassons par Tbilissi.
☛ Lire notre article sur Bakou, l’étonnante capitale d’Azerbaïdjan
Conseils pratiques pour visiter Alaverdi
Trajet entre Dilijan et Alaverdi
Nous avons enchaîné deux marshrutkas, avec un changement à Vanadzor. Pour la première marshrutka, patientez au rond-point de Dilijan, sur le début de la route vers Vanadzor, devant les marches d’escalier. Un chauffeur de taxi un peu lourd tentait de nous faire croire qu’il y aurait deux heures d’attente. La marshrutka arrive pourtant bien à 11h30 comme prévu, voire avec quelques minutes d’avance. Si besoin, l’horaire précédent est 9h30. Prix 1000 drams par personne, mais nous soupçonnons le chauffeur d’avoir gonflé le tarif juste pour nous. Les autres passagers semblaient payer 500. Durée 50 minutes.
Pour la deuxième marshrutka de Vanadzor vers Alaverdi, rebelote, des taxis ont tenté de nous faire avaler que le temps d’attente était de plus de deux heures. Ne les croyez jamais sur parole dans le nord de l’Arménie, nous n’avons attendu que 30 minutes (départ à 12h45). Pris 600 drams, durée 1h. Les paysages sont superbes sur la fin !
Dormir à Alaverdi
Nous avons logé à la Guest House in Alaverdi (22€ la nuit)i. Attention aux presque homonymes ! Une excellente chambre d’hôtes : c’est grand, propre, confortable et même douillet. La gérante Narine respire la gentillesse et c’est bien chauffé en hiver. Il y a très peu de choix de restaurants à Alaverdi, mais il est possible de se faire concocter à la guesthouse un délicieux et copieux dîner pour 2000 drams par personne.
Trajet entre Alaverdi et Tbilissi
Le minibus vers la frontière géorgienne part de Vanadzor. Il est donc généralement déjà plein lorsqu’il arrive à Alaverdi. Nous avons eu de la chance, il restait pile deux places pour nous ! Celui-ci était prévu à 8h50, il s’est pointé avec un peu de retard à 9h10. Le suivant passe a priori vers 11h30 – 12h00. Le plus difficile est de reconnaître ce minibus / cette marshrutka. Sans l’aide d’un commerçant, nous l’aurions raté. Patientez à la station principale et, par sécurité, dites à tout le monde que vous l’attendez, sauf aux taxis qui vous jureront qu’il n’existe pas. Prix 500 drams, durée 45 minutes.
Une fois à la frontière, les formalités sont rapides. Il faut marcher deux cents mètres et traverser un pont à pied. Un petit bureau de change permet d’écouler ses drams et d’obtenir des laris.
Le changeur prenant sa pause café, nous avons traîné plus que prévu à cette étape. Or les bus arméniens et géorgiens sont synchronisés. Résultat nous avons dû attendre le suivant deux bonnes heures. Et devinez qui a tenté de nous faire croire qu’il n’y avait pas de marshrutka ? Les taxis bien sûr ! Prix du bus de la frontière à Tbilissi : 5 laris, durée 2h. Le terminal d’arrivée à Tbilissi est Samgori, proche de la station de métro du même nom.
découverte très agréable d’une partie de l’Arménie,les photos sont superbes,je vais voir les précédents une autre fois.
Merci beaucoup ! On ne savait pas trop à quoi s’attendre dans cette région mais on y a passé de bons moments. Et on a été chanceux d’avoir de la neige et du soleil à la fois !
C’est sublime et vos photos n’y sont pas pour rien ! Je crois que ce pays pourrait grandement me plaire ! On n’en entend jamais parler alors un grand merci à vous de nous le faire si bien découvrir !
Merci ! On ne recommanderait pas le pays à tout le monde, il demande une certaine soif de découvertes… Vous, il devrait vous plaire !
Bon, et vous pensez qu’il y a d’autres coins de l’Arménie mignon comme ça, que vous n’avez pas pu voir ? Vous êtes resté combien de temps en tout en Arménie ? ça parait paisible, très beau et assez accessible pour nous !! Merci pour cette découverte !! Biz
On n’est pas allés voir du côté du lac Sevan, un grand lac au centre du pays. Il a l’air sympa, mais compliqué d’accès sans voiture. On est restés un mois en tout, dont pas mal de temps à travailler depuis Erevan. En deux semaines, c’est déjà possible de bien vadrouiller dans le pays ! L’Arménie est grande comme la Normandie, pour te donner une échelle 🙂
J’ai profité d’une excursion organisé pour faire Tbilissi Alaverdi et les deux monastères et en effet l’Arménie à laissé une très belle première impression sur moi. A voir pour un prochain voyage?
On te le conseille, l’expérience est assez différente de la Géorgie. Il y a moins de paysages de haute montagne mais c’est un beau pays et les Arméniens sont extrêmement accueillants !