Après Tachkent et la vallée de Ferghana, nous attaquons le trio des éblouissantes villes d’Ouzbékistan : Samarcande, Boukhara et Khiva. Dans cet article, nous allons nous concentrer sur la mythique Samarcande, celle dont aucun visiteur ne peut oublier les monuments. Et des visiteurs, elle en a eu beaucoup, d’abord en tant qu’étape clé de la Route de la Soie, puis comme pôle artistique, culturel et scientifique.

Notre hâte de prendre du turquoise plein les yeux est grande, et elle sera rapidement comblée !

Comme la ville déborde de monuments, nous avons attribué des étoiles à chacun d’eux pour vous donner une idée de leur intérêt :
- ★☆☆ = sympa
- ★★☆ = très bien
- ★★★ = grandiose !
- Commençons par le commencement
- Une brève histoire de Samarcande
- La place du Régistan ★★★ (★!)
- La mosquée Bibi-Khanym ★★☆
- Le vieux quartier juif de Samarcande ★☆☆
- Le Siyob Bazar ★☆☆
- La mosquée Hazrat Khizr ★★☆
- Les mausolées de Chakhi Zinda ★★★
- L’observatoire astronomique d’Ulugh Beg ★☆☆
- Afrosiab, l’ancienne Samarcande ★☆☆
- Gour Emir, le mausolée de Tamerlan ★★☆
- Notre avis sur Samarcande
- Conseils pratiques pour visiter Samarcande
Commençons par le commencement
Dans le train vers Samarcande, nous faisons connaissance avec les fameuses « steppes désertiques » d’Asie centrale, pas très folichonnes.

Nous atterrissons dans un quartier résidentiel typiquement ouzbek, c’est-à-dire tranquille, avec tuyaux de gaz apparents et décoration minimaliste. Cela nous chagrinait au départ, mais nous commençons à bien en apprécier l’ambiance, en particulier les matins et soirs lorsque les habitants sortent.



Notre hôteli nous rappelle rapidement que les Ouzbeks sont loin d’être de mauvais décorateurs. La façade austère cache une vieille maison digne d’un musée !

Une brève histoire de Samarcande
Avant d’attaquer le vif et le turquoise du sujet, revenons un peu en arrière.

Et c’est ainsi qu’est née l’architecture timouride, du nom de la dynastie fondée par Tamerlan !
La place du Régistan ★★★ (★!)
Sans attendre, nous marchons droit vers le joyau de la capitale timouride : la mythique place du Régistan. Nous n’avons pas pu nous empêcher d’ajouter une quatrième étoile, car nous avons rarement vu aussi beau ailleurs dans le monde !

Notre cher (et sanguinaire) Tamerlan n’est pas l’architecte direct de ce bouquet de fleurs céramiques, elles ont éclos après sa mort. Mais c’est clairement lui qui a labouré le terrain politique et planté les graines artistiques dont elles sont issues.

Le cœur de la place est payant, mais une large esplanade gratuite nous permet déjà de profiter du spectacle dans une joyeuse ambiance de week-end en famille.




Les frais d’entrée n’étant pas trop élevés (65 000 Sum), nous les paierons deux fois durant nos cinq jours à Samarcande, de quoi admirer les trois médersas jusqu’à plus soif.
La médersa de gauche : Ulugh Beg
Ulugh Beg, le petit fils de Tamerlan, tenait de son aïeul un amour pour la belle architecture. Auquel s’ajoutait une passion pour les sciences. Il décida de conjuguer ses deux centres d’intérêt et d’ériger cette médersa somptueuse.

Avec un tel look, l’université ne tarda pas à attirer de grands savants, qui en attirèrent d’autres… De fil en aiguille, Samarcande s’affirma comme un phare intellectuel, rayonnant jusqu’aux confins du monde musulman.

À l’intérieur de la médersa, pas de répit pour les pupilles. Nous nous extasions notamment sur la variété des mosaïques, sur les deux étages de voûtes et sur les muqarnas, ces magnifiques niches en nids d’abeilles.




Un petit musée rempli de vieux objets et de manuscrits nous en apprend davantage sur les médersas, tandis que le reste des pièces héberge des boutiques de souvenirs. À l’étage, un peintre très minutieux installé à l’étage nous montre notamment le pinceau à deux poils qu’il utilise pour les détails les plus fins !

La médersa du centre : Tilla Kari
Cette deuxième médersa, plus grande, cumulait deux jobs : école la semaine et mosquée le vendredi.

Elle héberge aujourd’hui un petit musée consacré à la restauration du Régistan. Car il y a un siècle, les médersas étaient proches de s’écrouler. C’est aux Soviétiques que nous devons l’aspect pimpant actuel, et il faut dire qu’à l’époque, on s’ennuyait moins en considérations : consolidation au béton armé, remplacement intégral des vieilles mosaïques, etc.

(Pssssst : ce dessin « Samarcande en puzzle » est en vente sur notre boutique !)
Nous adorons sa façade extérieure, pleine de niches…


… mais aussi le patio et l’incroyable chapeau turquoise qui domine l’ensemble.

Sous un autre dôme, le nom de la médersa prend tout son sens (Tilla Kari signifie « couverte d’or »). Regardez ça !
La médersa de droite : Cher-Dor
Pour finir notre tour, voici la façade aux mosaïques les plus étonnantes. Pas seulement pour la finesse des détails, mais aussi pour une légère entorse au règlement, qui interdit d’habitude la représentation de personnages sur les édifices religieux.


Quant à l’intérieur, que dire sinon… que nous prenons une troisième claque de couleurs et d’arabesques.



La beauté du Régistan n’a pas échappé à certains touristes, qui louent des photographes et des costumes pour des mises en scènes enchanteresses.

Mais un autre enchantement déboule en soirée, lorsque l’éclairage nocturne remplace avec subtilité le soleil.

Il est complété, la plupart des soirs, par un spectacle sons et lumières pour quelques couleurs de plus. L’horaire change selon la saison, vers 19h en hiver, 20h en automne et 21h l’été et s’annule en cas de mauvais temps ou de faible fréquentation.



La mosquée Bibi-Khanym ★★☆
La mosquée Bibi-Khanym (40 000 Sum) est en quelque sorte la « grand-mère » des monuments du Régistan. Ordonnée par Tamerlan, mamie a non seulement posé les bases du style timouride, mais aussi représenté un défi technique pour l’époque.

Tamerlan la souhaita si haute qu’elle ne tarda pas à se fissurer, puis des tremblements de terre achevèrent de l’achever. De vieilles photos montrent même une étable au milieu des ruines.

La restauration, bien que titanesque, laisse toujours apparaître des murs béants, des absides effondrées et des mosaïques incomplètes. Comme si les raccommodeurs voulaient nous montrer que le Régistan était la perfection pure et Bibi Khanym une folie irréaliste.



Le vieux quartier juif de Samarcande ★☆☆
En plusieurs endroits de Samarcande, les vieux quartiers proches des monuments ont été purement et simplement cachés derrière des murs ou des boutiques. Repérer une porte (ici par exemple), c’est faire une pause dans le marathon de voûtes et de dômes pour découvrir la vraie vie de femmes et d’hommes.

Dans la traditionnelle vallée de Ferghana, les écolières étaient majoritairement voilées. À Samarcande, nous remarquons qu’elles portent toutes des tresses et des pompons en dentelle.

D’après les parfums ambiants, des vaches urbaines habitent derrière certains murs. Mais c’est une autre piste olfactive que nous suivons, jusqu’à une minuscule boulangerie. Le pain de Samarcande est réputé l’un des meilleurs du monde, et nous comptons le vérifier. En attendant la prochaine fournée, nous papotons avec les sympathiques gérants, curieux de savoir comment nous le mangeons en France.



Verdict : leur pain tout chaud croustille sous la dent, puis fond sur la langue, une merveille !
Nous sympathisons ensuite avec un homme qui nous fait visiter sa guesthouse, enchaînons avec un vieux hammam…

… et une synagogue pas particulièrement intéressante (25 000 Sum), mais qui rappelle l’origine du quartier.


Le Siyob Bazar ★☆☆
À Samarcande, ça marchande. Même si aucune caravane n’a roulé sa bosse depuis plus de cent ans, le marché de Siyob est resté un haut lieu de la vie locale. Et comme il est très central, vous passerez à coup sûr à côté.

Comme pour les bazars que nous avons visités à Tachkent ou dans la vallée de Ferghana, ce sont les stands de nourriture qui nous dépaysent le plus. Mais le nombre de blagues à la minute a baissé, haute fréquentation touristique oblige.



La nouveauté, c’est le nombre de stands de souvenirs. Certains objets artisanaux sont magnifiques, mais il est parfois un poil compliqué de différencier le véritable artisanat des produits manufacturés.

La mosquée Hazrat Khizr ★★☆
Un peu plus loin, avec l’aide d’un pont piéton qui enjambe l’autoroute, nous atteignons la petite mosquée Hazrat Khizr, surprenant patchwork de styles ajoutés à diverses époques.


Dernier ajout en date : le mausolée de l’ex-président Karimov. Nous le pensions détesté pour ses penchants dictatoriaux bien penchés, mais des personnes âgées viennent lui adresser prières et larmes.

La mosquée offre aussi l’une des rares vues sur Samarcande.
Les mausolées de Chakhi Zinda ★★★
Notre casse-tête, en rédigeant nos articles ouzbeks, concerne les noms des lieux. Nous devons choisir une orthographe, mais nous savons déjà que sur place vous serez confrontés à quatre, cinq, huit, dix variantes : Chah-e-Zindeh, Shah‑i‑Zinda, Shohizinda, etc.
À Chakhi Zinda, toutes les fantaisies semblent aussi permises du côté de la déco. Le billet d’entrée (40 000 Sum) ouvre l’accès à une incroyable allée plantée de mausolées dans leurs plus beaux habits du dimanche vendredi. Les locaux la surnomment ironiquement « la salle de bain » depuis sa dernière rénovation.



La première pièce de ce puzzle de faïence fut la tombe d’un cousin de Mahomet, venu convertir l’Asie centrale avec un certain succès. Le reste, nous le devons aux nobles et puissants qui souhaitaient passer l’éternité à ses côtés et participer au concours de la tombe qui en jette le plus. Retenez que les plus beaux extérieurs ne présagent pas des plus beaux intérieurs, et inversement.



Arrivés après 16h, nous trouvons l’endroit bondé de groupes, alors n’hésitez pas à favoriser le matin.

Pour vous éloigner de la foule ou obtenir un autre point de vue (gratuit), entrez dans le cimetière cent mètres à droite, grimpez sur sa collinette, suivez la crête et… admirez la dissolution du soleil entre les dômes.


L’observatoire astronomique d’Ulugh Beg ★☆☆
Ulugh Beg, le petit-fils de Tamerlan, accordait une grande partie de son budget à la recherche scientifique. Côté astronomie, cela s’est concrétisé par la construction d’un énorme observatoire. Le télescope n’ayant pas encore été inventé, c’est un sextant géant qu’il abritait.

Du bâtiment d’origine, il ne reste qu’un morceau de ce toboggan où l’on peut glisser un œil.

Le plus intéressant est alors le petit musée (40 000 Sum). Nous y apprenons qu’Ulugh Beg et les chercheurs de la NASA (Noctambules Adorateurs du Sextant Astronomique) ont pu mesurer la position d’un millier d’étoiles avec une redoutable précision de 0,005°. D’ailleurs, les « tables sultaniennes » fruits de ce travail devinrent une référence jusqu’en Europe.



Afrosiab, l’ancienne Samarcande ★☆☆
Après les étoiles, la poussière. Dans un coin de Samarcande, une partie de l’ancienne ville est conservée en guise de terrain de jeu aux archéologues. Le musée d’Afrosiab (25 000 Sum) présente une collection de poteries retrouvées sur les fouilles, et à notre grand dam, le turquoise n’avait pas encore été inventé.


Le clou du musée nous cloue quand même. Il s’agit d’une fresque du 7ème siècle retrouvée sur les murs d’un palais princier. Son état de conservation laisse à désirer, mais les archéologues, toujours très doués pour extrapoler une scène à partir de trois fragments, reconstituent l’ensemble dans une vidéo (version française sur demande).


Derrière le parking des bus, repérez une porte dans le mur, elle mène à ce qu’il reste d’Afrosiab : les poussières laissées par Gengis Khan et un vent qui nous l’envoie dans les yeux. Nous tournons les talons et refermons la porte de ce maudit passé.

Note pour ceux qui aiment marcher : ce n’est qu’à 15 minutes à pied de la mosquée Hazrat Khizr (tombe de Karimov).
Gour Emir, le mausolée de Tamerlan ★★☆
Vous reprendrez bien une dernière dose de magie turquoise ?

Gour Emir, c’est l’histoire d’un homme (Tamerlan) qui souhaitait « juste une pierre et mon nom dessus ». Et qui a obtenu une très très grosse pierre.

Elle s’admire depuis la rue, mais il est possible de payer (40 000 Sum) pour visiter ses cavités.

Notamment l’étincelante pièce principale, où Tamerlan repose en paix, après avoir bien bien bien semé la terreur partout.


Avant de quitter le quartier, pensez à passer une tête dans le petit mausolée Aksaray (10 000 Sum), derrière Gour Emir. L’extérieur ne présage rien de mirobolant, mais l’intérieur est incroyable !

Notre avis sur Samarcande
Samarcande se coltine une réputation de « Disneyland de l’Ouzbékistan », et il est vrai qu’il y a beaucoup de touristes, que tout est très balisé, jardiné et clinquant. Mais bigre, elle abrite tant de belles choses à voir qu’il ne faut pas manquer cette étape !
Et puis, en restant cinq jours sur place, nous avons pu profiter des parcs, emprunter les chemins de traverse et prendre le temps de creuser la passionnante histoire derrière la ville.

Pain final
Le pain de Samarcande est si réputé et se conserve si bien qu’à la gare de Samarcande, pas un Ouzbek ne monte dans le train sans un sac de pain à la main. Nous remarquons même une boulangerie sur le quai !
Conseils pratiques pour visiter Samarcande
Venir en train depuis Tachkent
Nous avons réservé un train lent de Tachkent à Samarcande (3h20), mais sachez qu’il existe un train à grande vitesse qui met une heure de moins pour 50% plus cher. Le tarif TGV reste correct : 270 000 Sum. Pensez à réserver sur le site officiel, les places partent rapidement en haute saison. La difficulté consiste à connaître la date de mise en ligne, parfois 60 jours avant, parfois moins.
Se loger à Samarcande
Notre première adresse, Rabat Boutiquei, est presque un monument en soi et les propriétaires se font un plaisir d’en expliquer l’histoire. L’excellent petit déjeuner est servi selon votre préférence dans la plus belle salle ou dans le très agréable patio. Hélas nous n’avons trouvé que deux nuits libres, nous avons ensuite dû déménager.


Le suivant, appelé Nazarxan Hoteli, était une guesthouse dans la gamme de prix inférieure et dans la gamme de magie inférieure aussi. La propreté était impeccable et le lit confortable, le reste péchait un peu : communication difficile, isolation phonique faible et petit déjeuner servi en sous-sol.
Manger à Samarcande
Étrangement, pour une ville aussi touristique, nous avons un peu galéré à trouver des options qui nous plaisaient. En voici trois qui sortaient du lot :
- Le Restaurant Emirhan n’est pas une petite adresse confidentielle. Les tables sont nombreuses, les serveurs courent dans tous les sens et la nourriture manque un peu d’amour. Ce qui sauve ce restaurant, c’est sa terrasse avec vue sur le Régistan. À réserver, forcément.
- Si vous souhaitez varier de la gastronomie ouzbèke, les restaurants de Samarcande sont ouverts aux influences étrangères. Nous nous sommes régalés chez Gruzinka Restoran, un géorgien qui fait plaisir, avec un bel intérieur et un personnel sympa.
- Les fans de cuisine indienne, et plus précisément d’Inde du Sud, apprécieront Dostana, avec des dosas, uttapams, etc., dont de nombreux choix végétariens.
Visiter le Régistan
Le billet (à 65 000 Sum) est pour une entrée unique, vous ne pouvez pas accéder une deuxième fois au site. Le dilemme est donc de choisir la bonne heure. En début de matinée, le site est calme jusqu’à 10h30 environ, lorsque débarquent les groupes. Sinon, la dernière heure de soleil offre souvent les plus belles lumières.
Au pire, la plateforme d’observation gratuite reste un bon moyen de revenir admirer sans payer. Notez qu’il existe un autre petit point de vue gratuit par ici, plus proche des monuments et bien positionné pour le coucher de soleil.
Enfin, les gourmands ne louperont pas le glacier situé ici, dans le jardin du Régistan.
Acheter de l’artisanat à Samarcande
L’artisanat ouzbek est magnifique, et les boutiques ne manquent pas. Mais nous avons trouvé difficile de différencier le véritable artisanat du « made in ailleurs ». Le Handicraft Center est un bon moyen de ne pas se tromper, les produits nous ont semblé de bonne qualité.
Nous vous laissons avec ces trois papis ouzbeks, en visite dans Samarcande.

Nous avons visité Samarcande en Ouzbékistan en septembre 2024.